L'étrangeté française

par Philippe d'Iribarne Ed. du Seuil, 2006, 294 pages, 21 euros.

A l’opposé de nombre d’analystes qui estiment que la mondialisation impose à nos sociétés une " mise aux normes " mondiale, qui raboterait l’essentiel des spécificités notamment en matière économique et sociale, Philippe d’Iribarne croit au poids des particularités culturelles, qui s’enracinent dans une histoire, dans des conceptions différenciées de ce que sont les grands idéaux universels. La liberté se concrétise en Angleterre et aux Etats-Unis par la propriété et le marché, en Allemagne par la participation aux affaires publiques et la communauté, en France - c’est une thèse que d’Iribarne soutient depuis longtemps -, où la noblesse du tempérament et le fait de ne pas être " à vendre " comptent davantage. D’où l’importance des statuts, mais aussi du chômage, puisque l’économie ne parvient pas à concilier ce cadre institutionnel et la pression accrue du marché. D’où aussi la crise du système scolaire, puisque " les titres scolaires jouent un rôle central pour désigner ceux qui vont occuper des positions estimées plus ou moins honorables ".

La proposition de l’auteur de se débarrasser des archaïsmes sociaux sans jeter pour autant notre culture aux orties, en faisant en sorte que les sacrifices exigés par l’intérêt général soient équitablement répartis, laisse dubitatif. La thèse selon laquelle ce n’est pas l’économie mais la culture qui est déterminante en dernière instance est intéressante, mais pas convaincante. Il semble en effet toujours possible d’extraire, dans la masse des faits et des écrits passés, ceux qui vont dans le sens souhaité : se référer à Locke, Tocqueville ou Montesquieu plutôt qu’à Rousseau, Durkheim ou Bourdieu n’est pas neutre.

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