Service public de l’emploi : peut mieux faire

12 min

La France se met à l'heure du suivi personnalisé des demandeurs d'emploi. Une façon de les aider à sortir du chômage, mais aussi de les contrôler.

Chômer est en passe de devenir une activité à plein temps. Inscription aux Assedic, entretien personnalisé à l’ANPE, suivi mensuel, participation à divers ateliers et autres bilans de compétences..., l’agenda des demandeurs d’emploi fait mentir le préjugé qui associe chômage et inertie. Aujourd’hui, être au chômage, c’est engager un " parcours " vers l’emploi. Un parcours fléché et encadré, avec son lot de contraintes, en principe compensées par une panoplie de services. Cette logique répond au nouveau credo de l’ANPE et de l’Unedic : l’" accompagnement personnalisé des chômeurs ". L’objectif est de responsabiliser le chômeur. Et la mission du service public de l’emploi est de l’accompagner dans son cheminement, afin qu’il retrouve un emploi le plus rapidement possible.

D’autres pays européens, comme le Danemark ou les Pays-Bas, s’efforcent depuis longtemps d’assurer un suivi personnalisé des demandeurs d’emploi, afin de favoriser un meilleur appariement de l’offre et de la demande et de permettre aux plus fragiles - les moins qualifiés, les plus âgés - d’être mieux armés dans leur recherche. En France, le service public de l’emploi a mis plus de temps à adopter cette logique, alors même que le chômage de masse perdure depuis trente ans.

Un conseiller ANPE pour 130 chômeurs

Jusqu’ici, l’ANPE a surtout couru derrière la montée du chômage, faute de moyens adéquats pour y faire face. Le ratio entre le nombre de demandeurs et le nombre de conseillers (aujourd’hui d’environ 130 chômeurs par agent) a toujours été inférieur à ceux des services d’autres pays européens. Avec de sérieuses conséquences sur les délais d’accueil, la qualité des entretiens et les conditions de travail des conseillers. Du coup, l’ANPE externalise les deux tiers de ses prestations d’accompagnement (bilans de compétences, ateliers, etc.).

L’enrichissement de la palette d’interventions de l’ANPE, avec des programmes ciblés, mais aussi l’adoption de méthodes de conseils, d’entretien, de bilan et de suivi perfectionnés ne date pas d’hier. En revanche, ses effectifs n’ont été renforcés que par à-coups, pour faire face aux situations de crise, limitant d’autant sa capacité à offrir des services de qualité, à la fois personnalisés et responsabilisants. Il a donc fallu mettre les bouchées doubles ces dernières années. Alors que l’ANPE ne comptait que 11 000 agents au début des années 90, ses effectifs ont atteint les 16 000 en 2000 et les 28 000 en 2004.

Cette augmentation des effectifs est notamment liée à la création en 2001 du plan d’aide au retour à l’emploi (Pare), qui a vu se généraliser un traitement individualisé des demandeurs d’emploi. Le versement de l’allocation chômage est désormais conditionné à la signature d’un contrat qui engage le chômeur à rechercher activement un emploi, en échange de quoi les prestations d’accompagnement sont renforcées. Le dispositif, initialement prévu pour les seuls allocataires de l’Unedic (gérée par les partenaires sociaux), sera finalement pris en charge par l’ANPE dans le cadre d’un projet d’action personnalisé (PAP) et étendu à l’ensemble des demandeurs d’emploi, sous la pression du gouvernement de l’époque.

Zoom Un demi-siècle de prise en charge des chômeurs
1958

création de l’assurance chômage. Le principe est de substituer à la notion d’assistance celle d’assurance, en considérant que le chômage est un risque social.

1967

création de l’ANPE suite à un rapport du commissaire au Plan François-Xavier Ortoli. L’idée est de coupler une bonne garantie de ressources à des services en nature (information, conseil, orientation, placement).

1982

le gouvernement socialiste refuse d’augmenter les cotisations patronales et donne son feu vert à la réduction des prestations. L’indemnisation devient proportionnelle à la durée de cotisation.

1984

la distinction est réintroduite entre un régime d’assurance, financé par les cotisations (l’allocation de retour à l’emploi), et un régime de solidarité, beaucoup moins avantageux et financé par l’Etat (l’allocation de solidarité spécifique).

1988

le revenu minimum d’insertion (RMI) est instauré par Michel Rocard. Il est conçu comme un « filet de sécurité » visant à éviter les situations de misère. Mais, dans un contexte de chômage de masse, il devient en pratique le troisième régime d’indemnisation du chômage.

1992

la convention Unedic prévoit des mesures drastiques pour assurer l’équilibre du régime d’assurance chômage : dégressivité de l’allocation, allongement des durées d’affiliation et renforcement du contrôle des chômeurs.

2001

dans un contexte de forte réduction du chômage, la dégressivité des allocations est abandonnée en échange de la mise en place d’un dispositif d’accompagnement personnalisé des chômeurs, le Pare-PAP.

2002

la recrudescence du chômage pousse les partenaires sociaux à signer une nouvelle convention Unedic restrictive. La durée d’indemnisation chute de trente à vingt-trois mois et les conditions d’entrée dans le régime sont encore durcies.

2005

la loi de cohésion sociale met fin au monopole de placement de l’ANPE et prévoit la création de 300 maisons de l’emploi d’ici à 2007.

2006

en janvier, la convention Unedic durcit encore les conditions d’accès à l’indemnisation du chômage. En mai, la convention tripartite Etat-ANPE-Unedic instaure le principe du « guichet unique », le dossier unique du demandeur d’emploi, le « profilage » par l’Unedic et le suivi mensuel par un référent unique au bout de quatre mois de chômage.

La mise en oeuvre du Pare-PAP a entraîné 7,2 millions d’entretiens à l’ANPE en 2004 ; elle a permis de multiplier par trois le nombre de prestations offertes aux chômeurs entre 2001 et 2004 (voir graphique ci-contre). Les effets bénéfiques de ce dispositif ont été mis en évidence par une récente étude du Centre d’études de l’emploi1 : un an après leur entrée au chômage, 30 % des personnes ayant bénéficié de prestations dans le cadre du PAP avaient retrouvé un emploi, contre 22 % si elles n’en avaient pas bénéficié. " Plus important : les bénéficiaires qui ont trouvé un emploi se réinscrivent moins souvent au chômage. Cela impliquerait que l’emploi obtenu est plus stable ", conclut cette étude.

Guichet, dossier et référent uniques

La convention signée le 5 mai dernier entre l’Etat, l’Unedic et l’ANPE renforce cette volonté de fournir des prestations de meilleure qualité aux demandeurs d’emploi et de personnaliser leur accompagnement. Le texte prévoit l’instauration d’au moins un " guichet unique " Unedic-ANPE dans chaque région d’ici à la fin 2006 et la création d’un " dossier unique du demandeur d’emploi ", commun à l’Unedic, à l’ANPE et éventuellement aux autres acteurs du service public de l’emploi. Ces mesures doivent assurer une meilleure coordination de l’action des différents organismes et réduire le temps d’attente entre l’inscription aux Assedic et le premier entretien à l’ANPE. Alors que ce délai pouvait atteindre plusieurs semaines auParavant, il ne doit pas excéder huit jours depuis le 1er juillet 2006 et devra être inférieur à cinq jours à partir du 1er juillet 2007.

L’ANPE développe ses prestations
Les comptes de l’Unedic dans le rouge
Les employés et les ouvriers sont les plus touchés par le chômage

La convention tripartite prévoit également une évaluation, dès l’inscription aux Assedic, des risques de chômage de longue durée, grâce à un instrument de profilage qui a été élaboré par l’Unedic et l’ANPE. L’objectif est de repérer plus précocement les demandeurs d’emploi les plus fragiles, afin de leur fournir des prestations renforcées par la suite. Enfin, à compter du quatrième mois d’inscription, les demandeurs d’emploi seront suivis mensuellement par un référent unique (c’est le " suivi mensuel personnalisé "). Jusqu’ici, ce suivi avait lieu tous les six mois, par un conseiller qui pouvait être différent à chaque rendez-vous. Pour faire face à ces nouveaux engagements, l’ANPE a prévu d’augmenter encore ses effectifs de 3 000 personnes en 2006. Une hausse que les syndicats de l’agence jugent toutefois insuffisante au vu de l’accroissement de leur charge de travail.

Zoom Un chômeur sur deux est indemnisé

Seuls 47,8 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés par l’Unedic. Parmi les autres, une partie (12 % des chômeurs en mai 2006) relèvent du régime de solidarité financé par l’Etat ; ils touchent, pour la plupart, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), d’un montant maximal de 437 euros par mois pour une personne seule (cumulables avec d’autres revenus dans une certaine limite). Les 40 % de chômeurs restants, non indemnisés, doivent se contenter du revenu minimum d’insertion (RMI) pour vivre (433 euros maximum pour une personne seule, non cumulables avec d’autres revenus) ou n’ont droit à aucune allocation s’ils ne sont pas éligibles au RMI (c’est le cas des jeunes de moins de 25 ans ou des personnes vivant dans un ménage dont le total des revenus est supérieur au plafond du RMI).

Les conditions d’accès à l’assurance chômage instaurées par la convention Unedic de janvier 2006

Les chômeurs âgés sont beaucoup plus souvent indemnisés que les jeunes, qui n’ont pas toujours cotisé suffisamment longtemps pour pouvoir prétendre à l’assurance chômage. Par ailleurs, alors que la moitié des chômeurs indemnisés touchent moins de 855 euros par mois1, ceux qui bénéficiaient auParavant de salaires élevés peuvent percevoir jusqu’à 5 127 euros par mois au titre de l’assurance chômage. C’est, de loin, le plafond le plus élevé d’Europe.

Durcissement

Les conditions d’accès à l’assurance chômage sont négociées à intervalles réguliers entre les partenaires sociaux de l’Unedic. Depuis le début des années 80, avec l’augmentation du nombre de chômeurs et la dégradation des comptes de l’Unedic, les syndicats et le patronat ont progressivement durci les conditions d’indemnisation, plutôt que d’augmenter davantage les cotisations à l’assurance chômage, par exemple. La dernière convention, entrée en application en janvier 2006, a encore restreint l’accès à cette assurance et a réduit certaines durées d’indemnisation2.

La France est en fait un des pays d’Europe occidentale qui dépense le moins pour ses chômeurs, aussi bien en indemnisation qu’en dépenses dites " actives " (formation, aide à la création d’entreprise ou d’emploi). Les Pays-Bas ou le Danemark, en particulier, dépensent au total 2,7 fois plus que l’Hexagone, rapporté à leur produit intérieur brut et à la proportion de chômeurs dans leur population active3.

Evolution de la part des chômeurs indemnisés entre 1992 et 2006, en %
  • 1. Chiffres de mars 2005.
  • 2. Voir " Accord minimum à l’Unedic ", Alternatives Economiques n°244, février 2006.
  • 3. Voir " Les chômeurs français mal traités ", Alternatives Economiques n°242, décembre 2005.

L’autre facette de la modernisation

La mise en place de cet accompagnement intensif et personnalisé des chômeurs laisse cependant subsister plusieurs ambiguïtés. La première est qu’il n’est pas acquis que ces dispositifs profitent prioritairement aux publics qui en ont le plus besoin. Alors que le Pare-PAP s’applique à tous les chômeurs, qu’ils soient indemnisés par l’Unedic ou simplement inscrits à l’ANPE, la loi de cohésion sociale autorise désormais l’Unedic à prescrire directement, sans passer par l’ANPE, des prestations d’accompagnement ou de formation pour les demandeurs d’emploi indemnisés (voir encadré page 62). D’où un risque important d’écrémage des publics. Notamment parce que l’Unedic, avec un déficit cumulé de près de 13,5 milliards d’euros en 2005, est tentée de cibler ses actions d’accompagnement sur les chômeurs les plus susceptibles de retrouver rapidement un emploi, afin de faire des économies sur les allocations versées.

Or, si on attend du service public de l’emploi qu’il fasse diminuer le chômage, sa mission est aussi d’assurer une prise en charge de qualité des chômeurs les plus en difficulté, de telle manière qu’ils ne soient pas toujours repoussés en queue de file d’attente. Ce n’est pas toujours le cas : une étude récente du ministère de l’Emploi2 fait apParaître que, faute de moyens suffisants, mais aussi en fonction de leur situation personnelle face à l’emploi, tous les chômeurs ne bénéficient pas des mêmes prestations. Au sein de l’échantillon enquêté, un quart des personnes n’ayant pas travaillé dans les seize mois qui ont suivi leur entretien d’actualisation (réalisé après six mois de chômage) n’avaient reçu aucune prestation spécifique d’accompagnement.

Autre ambiguïté : s’agit-il d’améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi ou de renforcer le contrôle qui pèse sur eux ? " Sur le fond, le dossier unique et le suivi mensuel personnalisé sont des mesures positives, juge l’économiste Jacques Freyssinet. Mais il y a deux risques : que les moyens correspondants n’augmentent pas et que le suivi mensuel soit aussi envisagé comme un dispositif de contrôle. " C’est l’autre facette de la modernisation du service public de l’emploi : si l’ambition affichée est de mobiliser des ressources pour faciliter l’accès à l’emploi (le Pare a été instauré au prix d’un effort budgétaire de l’Unedic d’un milliard d’euros par an), la finalité Parallèle est de contrôler que la recherche d’emploi est conforme aux obligations légales.

Ainsi, la convocation systématique des chômeurs s’accompagne mécaniquement d’une augmentation des radiations. De 1991 à 2003, les sorties de l’ANPE pour absence au contrôle ou radiation ont augmenté de 24 %. Entre 2001 (mise en place du Pare) et 2002, le nombre de radiations des listes a augmenté de 35 %. En avril 2006, 40 % des sorties de l’ANPE étaient dues à une absence au contrôle. Cette non-présentation est toutefois en partie liée au fait que les chômeurs convoqués ont déjà retrouvé un emploi et ont omis d’en informer l’ANPE.

En Parallèle, un décret d’août 2005, complété par une circulaire du 5 septembre 2005, modifie le régime des sanctions applicables à ceux qui ne recherchent pas suffisamment sérieusement un emploi. AuParavant, seule la suppression totale de l’indemnisation était possible. Une mesure rarement appliquée. Désormais, une échelle de sanctions graduées a été instituée qui peut aller d’une baisse de 20 % ou de 50 % de l’allocation pendant deux à six mois en cas de refus " sans motif légitime " d’un emploi, jusqu’à la suppression définitive en cas de déclaration inexacte du chômeur ou de refus d’une troisième offre d’emploi jugée " convenable ". Néanmoins, il semblerait que le nombre de sanctions n’ait pas sensiblement augmenté depuis la parution de ce décret.

Réorientation forcée

" Le contrôle en soi est d’une légitimité absolue : du moment qu’on indemnise des gens et qu’on leur offre des prestations d’accompagnement, il n’est pas impensable de vérifier qu’ils recherchent effectivement un emploi, nuance Jacques Freyssinet. Mais la vraie question est de savoir si l’on va obliger le chômeur à accepter n’importe quel emploi. Or la notion d’"emploi convenable" est beaucoup moins précise en France qu’ailleurs en Europe et laisse libre cours à l’interprétation. " Est en effet considéré comme " convenable ", dans l’Hexagone, " tout emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail proposé, compatible avec la spécialité ou la formation antérieure du demandeur d’emploi, avec ses possibilités de mobilité géographique (...) et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région. " Une définition beaucoup moins détaillée qu’ailleurs en Europe, et qu’a encore élargie la loi de cohésion sociale de janvier 2005, en considérant que l’emploi " convenable " serait désormais apprécié en fonction de la formation du chômeur et non plus de sa formation antérieure. Ce qui autorise en droit une réorientation " forcée " du demandeur.

La sécurisation des parcours professionnels est un processus long et complexe

En outre, la circulaire du 5 septembre 2005 stipule qu’après six mois de chômage, la notion d’emploi convenable s’assouplira. Ce qui revient à " abaisser le plus souvent les critères d’emploi des chômeurs en les obligeant à réviser, par exemple, leur critère de mobilité géographique ou leur prétention salariale après une durée déterminée de chômage. Le risque de déqualification des emplois proposés est donc réel dès lors que le chômage dure ", constate le sociologue Emmanuel Pierru, qui a participé à une étude collective pour la Dares sur le contrôle des demandeurs d’emploi3.

Les chômeurs évincés de la formation

Par ailleurs, même si les sanctions sont légitimes, à condition de trancher ce débat sur l’emploi " convenable ", elles nécessitent des contreparties : une indemnisation correcte des chômeurs et une offre de formation satisfaisante. Or, les chômeurs français sont parmi les moins bien indemnisés d’Europe. En mai 2006, seuls 47,8 % d’entre eux touchaient une allocation chômage (voir encadré page 58). Le tableau n’est pas plus flatteur en matière de formation. Principal grief : la dispersion. " Il y a un éparpillement étonnant d’acteurs en la matière, souligne Carole Tuchszirer, économiste du travail à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Interviennent à la fois les conseils régionaux, qui ont maintenant une compétence générale sur la formation professionnelle, l’Unedic, qui depuis l’instauration du Pare a mis en place ses propres dispositifs de formation, l’Etat, à qui il reste des contrats aidés, et l’Afpa, qui reçoit des crédits de l’Etat qui seront bientôt transférés aux régions. C’est le fait que le chômeur est indemnisé ou non qui définit les formations auxquelles il a droit, alors que ce devrait être la distance qui le sépare de l’emploi. Résultat : les demandeurs d’emploi sont largement évincés de la formation professionnelle. " D’après l’enquête emploi de l’Insee, seulement 15 % des personnes ayant connu une période de chômage en 2003 auraient suivi une formation au cours de cette année4.

En outre, ce sont toujours ceux qui ont le meilleur niveau initial qui bénéficient le plus des formations. En 2003, 27 % des cadres au chômage ont suivi une formation, contre seulement 17,5 % des employés et 10 % des ouvriers en recherche d’emploi, alors que ces deux catégories sont les plus en difficulté sur le marché de l’emploi (voir graphique page 57), et devraient bénéficier en priorité des actions de formation5. Par ailleurs, les formations d’accès rapide à l’emploi sont financées majoritairement par l’Unedic, en direction de ceux qui relèvent de l’assurance chômage. Quant aux formations qualifiantes de l’Afpa, elles concernent davantage les chômeurs les plus en difficulté, mais elles induisent d’assez longs délais d’attente (jusqu’à neuf mois), suscitant un taux élevé d’abandons.

Un éparpillement des acteurs

Au final, le cheminement vers l’emploi, parsemé d’obligations diverses, est souvent perçu par les intéressés comme un " parcours du combattant ", voire comme un moyen d’accroître la pression subie, perçue alors comme un " flicage ". Selon la Dares, 54 % des personnes ayant bénéficié de l’entretien d’actualisation prévu après six mois de chômage considèrent cet entretien comme une aide, mais 16 % d’entre elles le perçoivent comme une pure obligation administrative et 21 % avant tout comme un moyen de contrôle.

L’équilibre reste donc à trouver entre indemnisation, accompagnement et contrôle. Les réformes visant à simplifier les démarches du chômeur et à le responsabiliser ne peuvent faire l’impasse d’une refonte du système d’indemnisation et d’une reconsidération du rôle que peut jouer la formation. Ce qui suppose une gouvernance efficace du service public de l’emploi, avec la désignation d’une structure centrale (qui pourrait être l’ANPE) chargée de réguler le système6.

La loi de cohésion sociale de 2005 distingue trois cercles d’intervenants dans ce service public de l’emploi : le premier rassemble les services de l’Etat, l’ANPE, l’Afpa et l’Unedic ; le deuxième est constitué des collectivités territoriales ; et le troisième consiste en une série d’organismes, privés ou publics, pouvant y participer (structures d’insertion par l’activité économique, agences d’intérim, associations fournissant des prestations d’accompagnement des chômeurs, etc.). Mais la nature et la hiérarchie des responsabilités entre ces trois cercles restent floues. Difficile, donc, de savoir qui est le pilote dans l’avion.

Cet éparpillement des acteurs se traduit notamment, pour les chômeurs, par un passage permanent d’un statut à l’autre : chômeur indemnisé, RMIste, stagiaire de la formation professionnelle, bénéficiaire de contrat aidé... Ce qui ne garantit pas aux demandeurs d’emploi une continuité dans l’exercice de leurs droits et dans l’offre de services qui s’y rattache. Un tel système va donc à l’encontre de la définition même de ce que devrait être un service public de l’emploi.

  • 1. Voir " Un bilan de l’accompagnement des chômeurs ", Connaissance de l’emploi n°20, septembre 2005. Téléchargeable sur www.cee-recherche.fr
  • 2. " Prévenir l’éloignement du marché du travail ", Premières informations et premières synthèses n°04.1, Dares, janvier 2006. Téléchargeable sur www.travail.gouv.fr (rubrique " Etudes et statistiques ").
  • 3. " Le contrôle des demandeurs d’emploi ", par Vincent Dubois, Jean-Matthieu Méon et Emmanuel Pierru, rapport pour la Dares, mai 2006.
  • 4. " La formation professionnelle des chômeurs ", France, portrait social 2004-2005, Insee, 2004. Téléchargeable sur www.insee.fr
  • 5. Voir également Premières synthèses n°29.2, Dares, juillet 2006.
  • 6. Voir " Un nouveau service public de l’emploi ? ", par Dominique Balmary, Droit social n°6, juin 2006.

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