Comptes : les entreprises aussi sont en déficit

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Regain de l'investissement et dégradation des bénéfices expliquent la hausse du besoin de financement des entreprises.

Que n’entend-on pas sur les déficits publics ! Les administrations publiques ne sont pourtant pas les seules à être quasiment en permanence en déficit : c’est aussi le cas des entreprises. Elles dépensent en effet généralement plus que les bénéfices qu’elles retirent de leurs activités pour investir dans de nouvelles capacités de production, de nouveaux produits ou de nouveaux marchés qui leur rapporteront demain davantage de chiffre d’affaires et de profits. Et l’épargne des ménages (ou celle en provenance de l’étranger) finance ce déficit comme celui des administrations publiques. Des crédits qui sont remboursés ensuite grâce à la croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices.

Il n’y a rien d’anormal en soi (comme pour les administrations publiques d’ail-leurs) tant que cela reste dans des limites raisonnables. Ce déficit des entreprises (les comptables nationaux parlent plutôt de " besoin de financement ") s’est cependant fortement creusé en 2005 : il est passé de 17,5 milliards d’euros en 2003, soit 2,2 % de leur valeur ajoutée (VA), à 52 milliards d’euros l’an dernier, 6,1 % de leur VA, selon les chiffres publiés par l’Insee pour l’ensemble des sociétés non financières.

Double mouvement. C’est le résultat d’un double mouvement. D’une part, un regain de l’investissement : celui-ci est passé de 147 milliards d’euros en 2003, soit 18,2 % de la valeur ajoutée des entreprises, à 164 milliards d’euros l’an dernier, 19,1 % de la VA. Un mouvement positif dont l’ampleur n’a cependant rien d’exceptionnel : en 2001, l’investissement représentait 19,8 % de la valeur ajoutée des entreprises.

Mais c’est surtout la dégradation des bénéfices qui explique le gonflement du besoin de financement des entreprises. Leur épargne, ce qui leur reste quand elles ont payé fournisseurs, salariés, impôts, intérêts sur les prêts et dividendes aux actionnaires, ne représentait plus que 115 milliards d’euros l’an dernier (13,4 % de leur VA), contre 128 milliards en 2003 (15,8 % de la VA).

Depuis trois ans, tout s’est dégradé à la fois dans les comptes des entreprises. Tout d’abord, la part de leur valeur ajoutée dans leur chiffre d’affaires s’est réduite de 40,3 % en 2003 à 39,7 % en 2005, un effet notamment du renchérissement des matières premières et de l’énergie. Parallèlement, la part des salaires dans cette même valeur ajoutée s’est légèrement accrue, passant de 66,4 % à 66,8 %. Pendant que les impôts grimpaient, eux aussi, de 5,2 % à 5,9 % de la VA. Cependant, c’est surtout la rémunération du capital qui s’est notablement alourdie : intérêts et dividendes cumulés sont passés en trois ans de 9,4 % à 10,2 % de la VA. Pendant que les intérêts cessaient de diminuer les dividendes ont continué à augmenter. Ce niveau des revenus du capital dans la valeur ajoutée des entreprises n’est pas inaccoutumé : il a été déjà supérieur à 10 % entre 1981 et 1985, puis de 1989 à 1997. Mais la hausse a été très rapide depuis trois ans. Bref, contrairement à ce que peuvent laisser croire les profits colossaux des grandes sociétés du CAC 40 (voir page 6), la profitabilité des entreprises opérant en France s’est sensiblement dégradée depuis 2003.

Le déficit croissant des entreprises

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