The Evolution of the Trade Regime. Politics, Law and Economics of the Gatt and the WTO

par J. H. Barton, J. L. Goldstein, T. E. Josling et R. H. Steinberg Princeton University Press, 2006, 242 p., 29,95 $.

L’Organisation mondiale du commerce est mal partie. Piégée par sa volonté d’extension du libéralisme, par les effets pervers des décisions de son Organe de règlement des différends et par la montée des accords bilatéraux.

Quatre spécialistes du commerce international ont travaillé ensemble pour étudier l’avenir de la régulation des échanges mondiaux. Leur constat est sans appel : l’ouverture commerciale internationale ne fait plus recette et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est en panne. Conclusion prémonitoire à l’échec, cet été, du cycle de Doha. Première cause des tourments de l’institution : son orientation trop libérale. Le Gatt (en français Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), qui a servi de cadre de régulation au commerce international de l’après-guerre jusqu’à la naissance de l’OMC le 1er janvier 1995, a certes présidé à une diminution importante des tarifs douaniers sur les produits manufacturés, passés en moyenne sur la période de 40 % à moins de 5 %. Pourtant, son orientation consistait moins à promouvoir une libéralisation commerciale à tout prix qu’à bâtir des compromis, entre pays développés, quant aux limites acceptables d’un recours aux pratiques non libérales (subventions aux exportations, aides, accords bilatéraux...).

A l’inverse, l’OMC réclame à ses membres de s’engager à ouvrir de plus en plus de secteurs à la concurrence internationale : agriculture, services (éducation, santé...), investissements, marchés publics, etc. On entre alors dans des domaines habituellement du ressort de la régulation étatique. Remettre en cause celle-ci, c’est toucher à des compromis sociaux et politiques internes, ce qui va bien plus loin que la définition du cadre des politiques tarifaires, et crée autant de sources de résistance et d’opposition.

Dans une analyse politique originale du rôle de l’Organe de règlement des différends (ORD), les quatre spécialistes montrent que ses décisions sont une autre source de problèmes, car elles ont pour effet de lever les ambiguïtés contenues dans les textes fondateurs du Gatt et de l’OMC. Ce qui limite d’autant la flexibilité de leur interprétation et donc les compromis politiques qui peuvent s’y glisser. Par exemple, des pays connaissant une montée rapide des importations de tel ou tel produit peuvent recourir à des " clauses de sauvegarde " pour élever quelques barrières protectionnistes temporaires, mais ils ne peuvent le faire que si la forte croissance constatée des importations résulte d’" événements imprévus ". En pratique, toute augmentation rapide des importations pouvait être jugée comme le résultat d’événements imprévus, permettant une utilisation assez facile des clauses de sauvegarde. Or, les décisions de l’ORD ont conduit à préciser que le gouvernement souhaitant les utiliser doit apporter la démonstration que la montée subie des importations résulte bien d’événements imprévus.

Loin d’être un processus juridique neutre, les juges de l’ORD ôtent de la flexibilité politique à la régulation commerciale internationale. Ils contribuent ainsi à cristalliser les oppositions (on notera avec intérêt l’éloge identique d’une nécessaire ambiguïté de la régulation financière internationale dans l’ouvrage de Jacqueline Best, The Limits of Transparency, commenté dans Alternatives Economiques n°245, mars 2006).

Enfin, l’OMC est de plus en plus remise en cause, l’argument est désormais bien connu, par la prolifération des accords commerciaux bilatéraux et régionaux. Au cours des dix dernières années, ceux-ci ont servi à ériger en norme ce qui devait rester une exception, à savoir l’abandon de la clause de la nation la plus favorisée qui veut qu’un pays offrant des avantages commerciaux à l’un de ses partenaires les offre à tous les autres pays. Désormais, à côté des règles multilatérales, on assiste au développement de régulations bilatérales, notamment en matière de droits de la propriété intellectuelle, qui protègent les rentes des entreprises et organisent même des procédures parallèles de règlements des différends.

Face à ces évolutions, l’OMC devrait être, au mieux, amenée à en rabattre sur sa volonté d’accroître la libéralisation des échanges et de s’imposer comme source prioritaire de régulation des échanges mondiaux. Au pire, elle pourrait disparaître.

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