The Re-Emergence of Global Finance

par Gary Burn Palgrave-Macmillan, 231 p., 2006, 55 £.

En 1957, l’aristocratie financière de la City lance le marché des eurodollars, des dollars détenus et prêtés en dehors du territoire américain. Premier pas, pour elle, de sa reconquête politique et, pour le reste du monde, d’une finance échappant au contrôle public.

Il y a quelques années, le chercheur britannique Gary Burn avait raconté l’histoire de la City de Londres et des eurodollars dans un bref article (voir Alternatives Economiques n°182, juin 2000). Il revient aujourd’hui avec un ouvrage plus complet qui permet de mieux saisir combien la force politique de la Banque d’Angleterre a été déterminante dans la création de cette innovation et combien les Etats-Unis, pourtant déjà première puissance politique mondiale, n’ont pas eu leur mot à dire.

Etablissement privé au moment de sa création à la fin du XVIIe siècle, la Banque d’Angleterre a toujours montré une farouche indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Jusqu’aux années 30, elle a largement dominé la définition de la politique économique britannique, donnant la priorité à la force de la livre sterling, et donc à un niveau élevé de taux d’intérêt, comme garant du maintien de l’empire. Mais, à partir des années 30, les gouvernements britanniques, de droite et de gauche, veulent développer l’Etat-providence et aider l’industrie avec des taux d’intérêt faibles. La Banque d’Angleterre résiste et est nationalisée en 1946. Pour rien, explique Burn, car elle reste secrète, fondamentalement fermée à toute influence du gouvernement et dominée par les élites financières privées.

Après avoir vainement tenté de redonner son lustre international à la livre, ces élites décident en 1957 de reconquérir leur place mondiale en développant le rôle international du dollar, mais à partir de Londres. Elles ouvrent ainsi une brèche dans le système de contrôle des capitaux de Bretton Woods, premier pas vers une finance libéralisée telle que nous la connaissons aujourd’hui. Le pas suivant sera franchi en 1963 avec la première émission d’euro-obligations, des obligations émises par un national dans une devise étrangère, organisée par la maison S.G. Warburgs pour financer la construction des autoroutes en Italie et dont l’histoire est racontée dans le livre. Une histoire complexe avec un contrat de droit anglais, signé en Hollande, pour un titre financier coté au Luxembourg et destiné à soutenir l’investissement en Italie. La mondialisation financière est lancée et on ne dira jamais assez combien la Banque d’Angleterre a joué un rôle politique majeur dans la montée en puissance du libéralisme économique contemporain.

Les Etats-Unis vont mettre du temps à comprendre ce qui se passe en Angleterre (le ministère des Finances britannique aussi...). Les banques privées américaines arrivent vers 1959, puis se ruent sur ce nouveau marché qu’elles utilisent pour contourner les réglementations de leur gouvernement, qui cherche à éviter les sorties de dollars en dehors des Etats-Unis. Ce n’est que vers 1960-1962 que les autorités financières états-uniennes commencent à s’intéresser à ces nouveaux marchés et se demandent si elles doivent laisser faire ou pas. Certains pensent que les eurodollars représentent une réserve importante pour spéculer à court terme contre le dollar. D’autres qu’ils incitent au contraire les investisseurs à ne pas transformer leurs dollars en or pour les prêter et en retirer des intérêts. La deuxième version l’emportera, y compris après le développement des euro-obligations en dollars, perçues par le gouvernement américain comme un moyen de financement du développement économique de l’Europe à partir de dollars déjà hors du territoire américain, sans que des prêts officiels aient besoin d’intervenir. Quand les Américains voudront, à la fin des années 70, contrôler ces marchés dont ils jugent qu’ils ont pris trop d’ampleur, il sera trop tard.

Avec le développement de la place de Londres comme Paradis réglementaire pour les activités internationales en dollars, les élites financières britanniques, privées et publiques, mêlées au sein de la Banque d’Angleterre, ont reconquis une bonne partie du pouvoir politique international qui était le leur à la fin du XIXe siècle. Grâce à cela, la City est aujourd’hui la première place financière mondiale.

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