Avoir vingt ans à l'usine

Un ouvrage dont les chapitres sont construits comme le parcours des ouvriers dont il est question : " Avant l’usine ", " Entrer à l’usine ", " L’usine au jour le jour ", " Echappées d’usine ". Henri Eckert, sociologue au Céreq, analyse les scolarités heurtées de ces jeunes, orientés par défaut le plus souvent, avant de consacrer un chapitre très original à la phase transitoire entre l’école et l’usine : il montre comment les ouvriers font l’apprentissage de la discipline spécifique qui s’y applique.

C’est aussi le temps des déceptions. Car la catégorie ouvrière se divise aujourd’hui en deux : ceux dont la formation permet de se rapprocher de la condition de technicien à laquelle tous aspirent, et les autres, tous les autres, nombreux, soumis au rythme de la chaîne. Parmi ces derniers, révèle l’auteur, on trouve beaucoup de jeunes ayant un bac pro en poche, qui les a fait rêver d’autre chose. De même, l’ambiance entre ouvriers, tant vantée par les intéressés, est aussi traversée de clivages entre jeunes et vieux, hommes et femmes, immigrés de différentes origines. Dans ce contexte, se demande l’auteur, comment peuvent-ils " échapper à l’usine " ?

Henri Eckert revient sur les loisirs de ces jeunes et la vie en dehors de l’usine. On comprend surtout qu’ils évitent difficilement la pénibilité du travail au quotidien, qui n’a pas été abolie par la mécanisation, loin de là. Il leur est par ailleurs très difficile d’échapper à la condition d’ouvrier, démontre le sociologue, qui détaille les barrières auxquelles se heurtent les travailleurs industriels dans leur évolution professionnelle. Un livre émaillé de nombreux témoignages, qui se lit très facilement, et est souvent très émouvant. Peut-être parce qu’il a été écrit par un fils d’ouvrier, comme le rappelle la quatrième de couverture.