Mondialisation financière : les pays émergents face aux banques étrangères

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La part détenue par les étrangers dans les banques des pays émergents ne cesse de progresser. Une évolution risquée.

Après avoir connu des crises bancaires importantes, à l’image de celles survenues en Asie en 1997-1998, la plupart des pays émergents ont décidé d’ouvrir leur secteur financier aux investisseurs étrangers. Ils en attendaient un apport de nouveaux capitaux et un transfert de pratiques de bonne gestion qui ne pouvaient qu’aider à rebâtir les circuits de financement de leurs économies. Une étape nécessaire pour retrouver une dynamique de développement à long terme. Les grosses banques étrangères ont largement répondu à cet appel. En République tchèque, par exemple, les établissements financiers étrangers sont propriétaires de la quasi-totalité des banques, de même qu’au Mexique ou en Hongrie. Dans les pays relativement moins ouverts, comme la Thaïlande et la Turquie, la part détenue par les étrangers est tout de même de l’ordre de 20 % et elle progresse. Cette évolution ne présente pas que des avantages.

Problème de focale. Le premier danger réside dans le fait que les stratégies de distribution de crédits par les banques ne tiennent plus à l’état de la situation économique locale, mais à des considérations de gestion mondiale des risques par les maisons mères situées dans les pays développés. Un problème dans l’immobilier d’une banque américaine peut l’inciter à demander à ses filiales au Mexique et en Indonésie de réduire leurs prêts pour limiter les risques globaux de l’entreprise, sans considération pour les besoins de financement des investissements locaux.

Les consommateurs des pays émergents n’ont pas profité de l’arrivée des nouveaux propriétaires. Guillermo Ortiz, le gouverneur de la Banque centrale du Mexique, expliquait ainsi récemment que les taux d’intérêt et les commissions demandées par les filiales de banques étrangères étaient particulièrement élevés1. Les nombreuses banques rachetées par les investisseurs étrangers se font concurrence, affirme Ortiz, ce qui devrait pousser à une diminution des commissions. Mais ce n’est visiblement pas le cas.

Manque de transparence. Les régulateurs bancaires des pays émergents se plaignent de leur côté de ne plus savoir vraiment ce qui se passe dans les établissements. Nombre de banques étrangères finançant directement leurs filiales sans avoir recours aux marchés financiers des pays d’accueil, elles n’ont pas besoin de les coter sur les Bourses locales. De ce fait, les obligations publiques de transparence de l’information n’ont plus à être remplies et les opérateurs économiques locaux doivent travailler avec des financeurs sur lesquels ils disposent d’un faible niveau d’information.

% des actifs bancaires détenus par les banques étrangères, en 2001 et fin 2005

Enfin, de grosses difficultés sont à prévoir en cas de crise. Une régulation adaptée supposerait que les autorités de surveillance des banques de tous les pays dans lesquels elles sont implantées travaillent de manière coordonnée. C’est très loin d’être le cas. Selon Guillermo Ortiz, en cas de crise, " les autorités du pays d’origine [de la banque] ne seront pas prêtes à aider des petites filiales étrangères, même si elles sont relativement importantes pour le pays d’accueil. A l’inverse, les autorités du pays d’accueil feraient face à de sérieuses difficultés politiques si elles tentaient d’utiliser des ressources publiques pour aider une banque étrangère. " Les pays émergents seraient ainsi parmi les premières victimes de l’absence de régulation globale des gros établissements bancaires internationalisés.

  • 1. Voir sa contribution, ainsi que celle de Christine M. Cumming, dans " Financial Globalization ", BIS Papers n°32, décembre 2006.

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