Soutien scolaire : la grande gesticulation

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Les gouvernements multiplient les effets d'annonce depuis 2005 en matière de lutte contre l'échec scolaire. Mais sur le terrain, la situation évolue peu.

15 % des enfants de CM2 sont en grande difficulté scolaire en français 1. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle est de moins en moins tolérée. Même si les dysfonctionnements de l’école française sont exagérés - ils font de beaux succès d’édition -, ce taux d’échec pose problème, dans un contexte où les exigences en matière de qualifications s’accroissent. Rester en marge de l’école peut conduire à mener une vie en marge de la société tout entière.

Le gouvernement affiche son volontarisme dans ce domaine. La suppression de la classe le samedi matin au primaire aurait ainsi pour vocation, de dégager des heures consacrées aux enfants les plus en difficulté. Auparavant, le ministre de l’Education Xavier Darcos avait annoncé des études dirigées en fin de journée au collège, dans un premier temps dans les établissements les plus défavorisés. En fait, la prise de conscience ne date pas d’hier. François Fillon, lorsqu’il était ministre de l’Education, avait fait de la lutte contre l’échec scolaire l’un des points forts de la loi d’avril 2005, créant notamment les Programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE), qui devaient permettre de développer le soutien en petits groupes.

Nombre d’enseignants du Rased* et d’élèves par enseignant du Rased

Ces annonces ne se sont jusqu’à présent pas accompagnées de moyens supplémentaires. L’Education nationale ne diffuse pas de données sur l’effort consacré à la difficulté scolaire dans son ensemble. Mais nous avons obtenu les données relatives au nombre d’enseignants qui interviennent dans le domaine de la difficulté scolaire à l’école maternelle et élémentaire, les professeurs des écoles affectés au Réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté, le Rased 2. L’effort a eu lieu au début des années 90, quand leur nombre est passé de 11 900 à 13 900, soit un enseignant pour 500 élèves, au lieu de un pour 586. Pour les dernières années, le résultat est édifiant : entre 2002 et 2005 - données les plus récentes disponibles -, le nombre de professeurs est passé de 14 554 à 14 938, alors que le nombre d’élèves augmentait. Résultat : on compte désormais un enseignant du Rased pour 443 élèves, contre un pour 449 en 2002, autant dire que rien n’a changé.

" Nous sommes en sous-effectif chronique. On est très loin de pouvoir répondre au besoin ", témoigne Céline Vridaud, du Rased, chargée de la difficulté scolaire dans l’Oise. Congés formation, maladie ou maternité ne sont pas remplacés. Tant pis pour les enfants en difficulté.

" Les enseignants eux-mêmes sont souvent démunis ", poursuit-elle. L’appui extérieur constitue un plus, mais beaucoup se joue en classe. " Les effectifs ne nous permettent pas de faire grand-chose de poussé. Le simple fait d’être 25 ou 30, ça change tout dans la classe. Et cela n’est pas près de s’améliorer ", réagit Véronique Devaux, enseignante dans une école maternelle de Toulouse.

Erreur de traitement

Mais la tendance historique de l’école française à classer et à hiérarchiser les enfants est aussi en cause : " Le traitement de la difficulté dépend beaucoup de l’intérêt qu’y attache l’enseignant. Nous sommes mal formés pour ça, c’est certain. Nous avons plus de ressources extérieures qu’avant, l’information circule mieux, mais encore faut-il y faire appel. L’un des problèmes, c’est que nous n’avons de compte à rendre à personne ", poursuit-elle.

Les " bonnes pratiques " peuvent d’autant moins être généralisées que personne ne veut d’une réelle évaluation : ni les syndicats ni le ministère, puisqu’en contrepartie, il faudrait apporter une solution aux enseignants en difficulté (formation, voire, dans certains cas, aide à la reconversion, etc.). Or, si les méthodes mises en oeuvre en classe entière ne changent pas et privilégient ceux qui suivent, le risque est grand que les heures de soutien soient perçues par ceux qui en bénéficieront comme une sorte de punition.

Quant à la mise en place annoncée d’études au collège, elle se fait, là encore, sans que les moyens soient au rendez-vous, ou en les reportant en partie sur les collectivités locales. Dans ces conditions, le risque est de se limiter à faire au mieux de l’occupation, au pire de la garderie. Pas de quoi inquiéter les officines de cours privé qui se sont multipliées ces dernières années, grâce aux déductions fiscales offertes aux plus aisés. " Une étude surveillée n’a rien à voir avec du soutien individualisé ", affirme ainsi Nicolas Vauvillier PDG de Keepschool 3. Mais, pour le gouvernement, les priorités budgétaires sont ailleurs.

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