Opinion

L’Europe au coeur des tensions impérialistes ?

3 min
Dominique Taddei Economiste, inspirateur de la loi Aubry 1, ancien député du vaucluse

L’Europe se trouve dans une situation qui ressemble à celle d’il y a un siècle, quand s’affrontaient les impérialismes anglais et français installés, et l’impérialisme allemand émergent. Comme à cette époque, l’impérialisme est fait de l’interaction de forces géopolitiques et d’accumulation financière, à l’échelle planétaire. Or, le néo-impérialisme américain est manifestement en train de perdre son hégémonie : les Etats-Unis n’ont plus pour clients obligés que ceux qui pensent avoir besoin de leur bouclier, le Japon, les pétromonarchies du Golfe, Israël. Le sauvetage de ses banques et de ses hedge funds par des fonds souverains est un signe fort, parmi bien d’autres, de ce déclin relatif. En face, la Chine, le pays le plus peuplé du monde, et la Russie, le pays le plus vaste, connaissent une croissance unique dans l’histoire : leurs régimes politiques sont en fait très semblables et leurs ressources complémentaires (la main-d’oeuvre de l’une et les matières premières de l’autre). Leur partenariat stratégique se concrétise déjà dans tout l’est de la Sibérie ou dans la crise iranienne.

Ainsi, résultat d’un affaiblissement séculaire, l’antagonisme principal n’est plus en Europe, même si nous en sommes inévitablement partie prenante. Soit comme élément du problème, si nous perpétuons la logique de vassalité atlantique qui fut la nôtre après 1945 : c’est la ligne de pente des pays d’Europe de l’Est, par peur du voisin russe, ou encore du Royaume-Uni, par proximité culturelle. Soit comme élément de la solution, si nous savons constituer une force médiatrice, capable d’imposer la coopération plutôt que le conflit, entre les impérialismes déclinants et émergents, avec d’autres puissances (Inde, Afrique, Amérique latine et une partie des pays arabes), mais aussi avec la multitude des citoyens du monde, dont la mouvance altermondialiste constitue l’aile militante.

L’Allemagne et la France, et avec eux une majorité des pays de l’Europe continentale, et surtout l’opinion publique internationale, ont su manifester leur indépendance durant la seconde guerre d’Irak. Mais c’est à froid que les grands choix stratégiques doivent être débattus. Le renforcement de la coopération au sein des quinze pays de la zone euro est ainsi bien plus qu’une évidence économique et sociale : cette nouvelle Europe des Quinze doit être en situation de faire face à l’inévitable dévalorisation du dollar ; à plus long terme, elle doit avoir l’ambition d’initier, à l’échelle planétaire, de nouvelles régulations multipolaires, à travers une réforme du système des Nations unies, incluant le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce, un renforcement du droit international, des droits collectifs et individuels, la sauvegarde des biens publics, s’appuyant sur l’action des organisations non gouvernementales.

Tout le monde sait qu’une grande Europe, qui va encore s’élargir, a besoin d’un noyau dur. Celui-ci doit être géopolitique et financier : il a les contours de la zone euro.

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