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Electricité : l’inévitable hausse

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La libéralisation du marché de l'électricité va se traduire par une hausse des prix pour les consommateurs. Explications.

Le processus de libéralisation en cours sur les marchés de l’énergie en Europe ne peut que mener à une hausse du prix de l’électricité pour les consommateurs français, selon Dominique Finon et Jean-Michel Glachant, tous deux membres du groupement d’intérêt scientifique GIS Larsen (Laboratoire d’analyse économique des réseaux et systèmes énergétiques, voir " Pour en savoir plus). Depuis la libéralisation, les prix de l’électricité se forment heure par heure, la veille pour le lendemain, par confrontation entre l’offre et la demande sur ce qu’on appelle un marché spot, géré par Powernext en France. Comme l’offre doit impérativement rencontrer la demande - sous peine de black-out, de panne générale -, il faut que le prix satisfasse les attentes du producteur détenant la dernière unité nécessaire à l’équilibre du réseau. En pratique, cela signifie que les prix du marché tendent à s’aligner sur les coûts du kilowattheure le plus cher à produire.

Rente de rareté. Sur la période 2005-2006, " le prix du marché continental s’est établi en moyenne à 50-55 euros par mégawattheure ", selon Dominique Finon et Jean-Michel Glachant, soit " très au-dessus du coût complet d’une centrale nucléaire française construite dans les conditions antérieures (35 euros par mégawattheure environ) ". Il s’ensuit qu’EDF, qui possède les centrales nucléaires françaises, encaisse un supplément de revenu, ce qu’on appelle une rente de rareté*, sur ses ventes au prix de marché en France et à l’étranger. Comme l’écrasante majorité des entreprises et des particuliers français ont choisi pour l’instant de conserver le tarif régulé ou bien de revenir à un tarif protégé (le " tarif de retour "), seules 10 % des ventes en France s’effectuent à prix de marché ; la rente de rareté n’atteindrait donc " que " 300 millions d’euros. " Si, par curiosité, on cherchait à calculer (...) le montant de ce que serait la rente du nucléaire existant dans une situation où les tarifs réglementés auraient été supprimés, le montant serait de l’ordre de 3 milliards d’euros sur les ventes en France et 1,6 milliard d’euros pour la vente à l’étranger ", notent les deux chercheurs. La disparition des tarifs réglementés étant prévue pour 2010, les actionnaires d’EDF peuvent déjà se frotter les mains.

Prix moyen du mégawattheure, sur le marché Day-Ahead Auction (fourniture pour le lendemain) de Powernext, en euros

Que des perdants. Compte tenu du rejet dont le nucléaire fait l’objet dans l’opinion un peu partout en Europe, il y a peu de chances pour que beaucoup de nouvelles centrales voient le jour dans d’autres pays dans un avenir proche, ce qui tirerait les prix du marché vers le bas et réduirait la rente d’EDF. La libéralisation ne devrait donc faire que des perdants chez les consommateurs en France, ce qui la rend difficilement acceptable sur le plan politique. D’autant moins acceptable que les consommateurs français pouvaient légitimement espérer bénéficier des tarifs bas du nucléaire en contrepartie de leur acceptation depuis des décennies de cette technologie risquée et de son financement public massif.

Pour Dominique Finon et Jean-Michel Glachant, il faut donc chercher, pour des raisons d’équité, le moyen de réallouer la rente de rareté du nucléaire, par exemple en prévoyant une tranche universelle de fourniture à prix réglementés dans tous les contrats de vente aux ménages, comme cela existe en Italie ou en Californie. De quoi alimenter le débat.

* Rente de rareté

rente dont bénéficient les propriétaires d'un facteur rare sur un marché.

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