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Développer la culture économique des Français : c’est parti !

5 min

L'Idies entend développer la qualité de notre vie démocratique en plaçant les questions économiques et sociales au centre du débat. Pour cela, elle a besoin de votre soutien.

Il existe aujourd’hui un large consensus, au sein des élites économiques et politiques, pour juger que la culture économique des Français est insuffisante. Ce manque de culture économique expliquerait la méfiance, voire l’hostilité, de larges fractions de l’opinion à l’égard de l’économie de marché, un comportement qui trancherait par rapport à celui observé chez la plupart de nos voisins européens. L’opinion française serait ainsi conduite à chercher des réponses inadaptées aux peurs que suscitent le fonctionnement actuel de l’économie et les mutations dont elle fait l’objet, qu’elles se nomment mondialisation ou financiarisation.

Il est nécessaire de démêler le vrai du faux dans cette présentation des faits. Oui, la culture économique des Français laisse à désirer. Oui, il faut la développer afin que l’ensemble des citoyens puisse participer au débat démocratique sur les questions économiques et sociales. Oui, des citoyens mieux informés seraient sans doute plus à même d’apprécier les contraintes réelles qui s’exercent sur l’économie française.

Ambiguïtés

Le souci éducatif des élites économiques et politiques, qui s’est notamment traduit par la création en 2006 d’un Codice (Conseil pour la diffusion de la culture économique), n’est cependant pas dépourvu d’ambiguïtés. A écouter certains propos, les inquiétudes engendrées par les mutations de l’économie - et les réactions de rejet qu’elles suscitent parfois - disparaîtraient tout naturellement si les Français accédaient à cette culture économique qui leur ferait défaut. Il existe pourtant de solides raisons aux craintes d’une partie de l’opinion à l’égard de la chose économique. Et le déficit d’explication n’explique pas tout. Si certaines représentations simplistes disparaissent dès qu’on accède à un minimum de culture économique (comme le constatent année après année les enseignants de sciences économiques et sociales confrontés aux idées préconçues de leurs élèves), on peut aussi penser que des citoyens mieux au fait des questions économiques et sociales seraient susceptibles de manifester un sens critique plus aigu quand ils sont confrontés à des discours leur expliquant qu’" il n’y a qu’une seule politique possible ". Accéder réellement à la culture économique, c’est aussi prendre la mesure des marges de manoeuvre existantes et devenir capable d’apprécier les alternatives envisageables sur les grands dossiers économiques et sociaux.

Quatre chantiers

Chercher à améliorer la culture économique insuffisante des Français est donc tout sauf un faux problème. A condition toutefois de mener cette réflexion sur une base pluraliste, en ayant pour objectif non pas une normalisation idéologique, comme on peut légitimement le craindre à propos de plusieurs initiatives récentes inspirées par les milieux patronaux, mais un souci d’approfondissement de notre vie démocratique. C’est pour peser en ce sens dans le débat public qu’a été récemment fondé l’Institut pour le développement de l’information économique et sociale (Idies). A l’origine de l’Idies, un certain nombre de journalistes de l’équipe d’Alternatives Economiques. Rien d’étonnant à cela puisque notre magazine s’est donné pour objectif, depuis sa création par Denis Clerc, de permettre à chacun de se saisir des questions économiques et sociales. Nous avons été d’ores et déjà rejoints par de nombreuses personnes physiques et morales, chercheurs, universitaires, journalistes, dirigeants d’entreprise, associations d’enseignants, structures d’études économiques, associations d’éducation populaire, entreprises de l’économie sociale, syndicats de salariés et organisations d’employeurs (voir www.idies.org). Sans partager nécessairement les points de vue d’Alternatives Economiques sur tous les sujets, ils soutiennent cette initiative.

Zoom Quand Bercy et les associations patronales écrivent les programmes...

Le groupe de travail Education-Economie, mis en place à la suite du premier rapport du Codice (le Conseil pour la diffusion de la culture économique), devrait prochainement rendre un nouveau rapport aux ministres de l’Economie et de l’Education. Ce groupe a centré ses travaux sur les conditions d’une meilleure prise en compte de l’entreprise dans les programmes scolaires. Il rassemblait des représentants des deux ministères concernés, quelques médias reconnus d’intérêt pédagogique - dont Alternatives Economiques - et, surtout, toutes les organisations patronales et de nombreuses associations de promotion de l’entreprise. En revanche, les organisations syndicales de salariés en étaient exclues, tout comme les structures de l’économie sociale, les associations d’enseignants et le monde académique. Le prérapport dont nous avons eu connaissance assimile sans surprise enseignement de l’économie et connaissance de l’entreprise, sans expliquer concrètement ce que devrait être cet " enseignement de l’entreprise ", au-delà de la multiplication souhaitée, et bienvenue, de stages de découverte, aujourd’hui d’abord limités par l’absence de structures d’accueil...

www.idies.org/index.php?post/Un-nouveau-rapport-du-Codice

L’Idies veut s’engager sur quatre chantiers : la place et le contenu des enseignements économiques et sociaux, le traitement des questions économiques et sociales par les médias, la qualité et le pluralisme des sources statistiques, la prise en compte du point de vue de l’ensemble des parties prenantes dans l’examen des différents dossiers économiques et sociaux.

Donner leur juste place aux questions économiques et sociales

Les questions économiques et sociales demeurent en effet encore largement absentes des programmes d’enseignement. Les sciences économiques et sociales, enseignées aujourd’hui à près de la moitié des élèves de seconde des lycées d’enseignement général, puis au sein de la filière ES, constituent la seule discipline où ces questions sont traitées comme objet de connaissance scientifique et/ou de culture générale 1. Cet enseignement ne concerne donc qu’une part réduite de chaque génération. Il est en outre contesté dans son contenu, voire dans ses méthodes, bien qu’il concoure avec succès, depuis maintenant trente ans, à éveiller les jeunes aux réalités du monde où ils devront vivre comme citoyens et comme travailleurs actifs.

Au-delà du monde éducatif, force est de constater que les questions économiques et sociales tiennent une place insuffisante dans la délibération démocratique, faute d’une information de qualité sur leurs enjeux et sur les choix possibles. Le journalisme politique tend à se concentrer exclusivement sur les questions tactiques, tandis que le journalisme économique est trop souvent centré sur les seules stratégies d’entreprise et les enjeux financiers qui s’y rattachent.

La tâche de la presse, et des enseignants, n’est pas non plus facilitée par les insuffisances de l’outil statistique national, qui ne permet pas au public de disposer en temps et en heure des éléments nécessaires à un débat informé sur l’état de notre société. De plus, il demeure aujourd’hui le plus souvent dans une relation de dépendance à l’égard de l’autorité politique.

L’Idies, caisse de résonance

Enfin, dans l’examen des différents dossiers économiques et sociaux, il importe de prendre en compte le point de vue de toutes les parties prenantes : dirigeants et actionnaires des entreprises du secteur privé, mais aussi représentants de l’économie sociale, syndicats de salariés, organisations de consommateurs, organisations non gouvernementales et territoires. Sur chacun de ces chantiers, des initiatives existent. L’Idies n’entend pas s’y substituer. Au contraire, elle entend leur servir de caisse de résonance et contribuer à les faire converger puisqu’elles concourent de facto au même objectif : développer la qualité de notre vie démocratique en plaçant les questions économiques et sociales au centre du débat.

Développer une telle action ne pourra se faire sans moyens. C’est pourquoi l’Idies a besoin de votre soutien.

www.idies.org

  • 1. Les filières technologiques tertiaires suivent également un enseignement d’économie générale.

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