Éditorial

Rendez-vous manqué

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La loi Fillon sur les retraites, votée en 2003, avait une grande qualité : elle instituait un rendez-vous périodique, tous les cinq ans, entre l’Etat et les partenaires sociaux afin de réviser les paramètres du système. Tout régime de retraite par répartition, parce qu’il est fondé sur la solidarité entre générations, n’est légitime que si les principes qui le fondent ne sont pas constamment remis en cause. Mais il lui faut aussi, pour conserver sa légitimité, anticiper les mutations de la démographie ou de l’emploi susceptibles de menacer sa pérennité.

Ce rendez-vous de 2008 était donc nécessaire. Mais, pour qu’il prenne son sens, encore fallait-il que la négociation soit menée de manière ouverte, sans que ses conclusions soient définies avant toute discussion. Or, dès l’an passé, le gouvernement n’a cessé d’affirmer qu’il était indispensable de porter à quarante et un ans le nombre d’années de cotisations nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Cet allongement faisait certes partie des scénarios établis en 2003. Mais l’évolution favorable de notre situation démographique le rend désormais moins incontournable.

Le gouvernement instrumentalise les déficits immédiats de la Caisse nationale d’assurance vieillesse pour justifier cette mesure. Or, ces déficits ne sont pas liés à une insuffisance de la durée de cotisations nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Ils résultent plutôt de la faiblesse de l’activité et de l’insuffisant développement de l’emploi qui en découle. Ils s’expliquent aussi par le succès du dispositif décidé voici cinq ans, qui a permis aux personnes ayant commencé à travailler très jeune de partir en retraite de manière anticipée. Il tient enfin au fait que les objectifs affichés en 2003 en termes d’allongement des carrières des seniors sont loin d’avoir été atteints. Les conditions d’un tel allongement, pourtant bien identifiées à l’époque, n’ont en effet pas été établies : les négociations prévues alors sur la prise en compte de la pénibilité du travail n’ont toujours pas abouti. Or, celles-ci sont un préalable à tout allongement général des durées de cotisations, en permettant aux salariés qui ont subi des conditions de travail difficiles de partir dans des conditions plus favorables. Parallèlement, les entreprises n’ont pas fait l’effort nécessaire pour adapter les conditions et l’organisation du travail et rendre acceptable le maintien en activité de salariés vieillissants.

La progression continue de l’espérance de vie justifie certes d’ouvrir le débat sur un éventuel report de l’âge de fin d’activité via un prolongement des carrières. Imposer un passage à quarante et un ans n’aurait ainsi rien de scandaleux si cela permettait de maintenir, voire d’améliorer, le niveau des pensions tout en évitant une trop forte progression des cotisations prélevées sur les actifs. Mais ce n’est pas la situation présente. L’âge moyen de départ à la retraite demeure autour de 58 ans. Parce que les salariés âgés n’ont souvent qu’une seule envie : partir le plus rapidement possible en retraite, quand ils ne sont pas poussés dehors par leur employeur, qui souhaite les remplacer par des jeunes parfois mieux formés et, surtout, moins coûteux. Dans un tel contexte, le passage à quarante et un an aura pour principal effet de rejeter dans la pauvreté un nombre croissant de retraités qui ne pourront bénéficier d’une retraite à taux plein.

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