Opinion

Alerte à la Gandrangite !

3 min
Edouard Martin Député européen (PS)

L’annonce, en janvier dernier, par le groupe ArcelorMittal, de la fermeture d’une aciérie et d’un train de laminoir entraînant la suppression de 600 emplois à Gandrange a suscité de multiples réactions. L’affaire en elle-même est loin d’être terminée, mais on peut déjà en tirer quelques leçons de portée plus générale. L’industrie, ce sont des usines, mais aussi et surtout des hommes. Or, sur ce plan, un cycle est en train de s’achever avec le départ à la retraite de la génération des baby-boomers, du cadre à l’ouvrier. Les difficultés qui ont mené à la fermeture du site de Gandrange sont largement liées à l’incapacité de la direction de l’entreprise à gérer cette transition.

Le constat est en effet accablant. Ces dernières années, la politique de l’entreprise avait été caractérisée par un chantage permanent à l’emploi afin de faire accepter la multiplication des missions d’intérim en remplacement des départs en retraite. Ce qui avait conduit à des dizaines d’accidents du travail et à des milliers de dysfonctionnements majeurs et mineurs. L’intégration des nouveaux embauchés s’est heurtée à la précarité de leur statut et à l’inconsistance des méthodes de formation mises en oeuvre. Entraînant une dégradation sensible de la rentabilité économique du site.

Ces transferts de savoir-faire individuels et collectifs sont aussi au coeur des difficultés rencontrées dans bon nombre d’autres usines sidérurgiques en France. Pour réussir de tels transferts, une organisation spécifique doit être mise en place afin de concilier formation et poursuite de la production. Le groupe ArcelorMittal a annoncé la création d’un centre de formation en Lorraine. Une première étape qui doit être confirmée et développée pour que ce centre soit capable de former plusieurs centaines de sidérurgistes dans les cinq ans qui viennent. Pour qu’un tel dispositif réussisse, il faut aussi reconnaître une place et un rôle particulier aux salariés expérimentés afin qu’ils puissent effectivement transférer leurs savoir-faire.

Le processus qui s’est déroulé à Gandrange n’a malheureusement rien de vraiment spécifique à cette entreprise ou au secteur de la sidérurgie : il constitue un cas d’école de la maladie (qu’on pourrait appeler dorénavant la " gandrangite ") qui risque d’accélérer la désindustrialisation du pays au cours des prochaines années. En effet, tous ses grands sites industriels, mais aussi de nombreuses PME, sont potentiellement concernés par le problème de transition de génération qui a été fatal au site de Gandrange. Or rien n’indique véritablement qu’elle soit mieux préparée ailleurs que chez ArcelorMittal, ni que les pouvoirs publics aient la ferme volonté de faire le nécessaire pour accompagner cette transition de façon à défendre la vocation industrielle du pays.

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