7 millions de pauvres en France
La pauvreté ne recule plus. Si le nombre de pauvres stagne, leur situation financière s'aggrave et les travailleurs pauvres sont désormais 1,5 million.
12,1 % de la population, soit 7,1 millions de Français, pouvaient être considérés comme pauvres en 2005 (dernier chiffre connu), indique le rapport 2007-2008 de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (Onpes). Il s’agit là de l’ensemble des individus vivant dans un ménage dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté (voir encadré). Ce seuil, fixé à 60 % du revenu médian de la population, était de 817 euros par mois en 2005 pour une personne seule.
Deux évolutions sont particulièrement préoccupantes. D’une part, même si le nombre de personnes pauvres reste à peu près stable, la situation financière relative de ces ménages se dégrade : l’intensité de la pauvreté (c’est-à-dire l’écart entre le niveau de vie médian des ménages pauvres et le seuil de pauvreté) s’accroît depuis 2002. Autrement dit, les pauvres sont de plus en plus pauvres : le nombre de personnes vivant avec moins de 40 % du revenu médian (les plus pauvres parmi les pauvres) a d’ailleurs augmenté de 14 % entre 2002 et 2005.
Deuxième évolution inquiétante, le nombre de travailleurs pauvres a explosé : + 21 % entre 2003 et 2005 ! Il étaient 1,53 million en 2005, soit 6,4 % de l’ensemble des travailleurs en France 1. Et 310 000 de plus qu’en 2003.
Un aspect multidimensionnel
Comme le souligne l’Onpes, la pauvreté ne doit pas seulement s’apprécier sur des critères de revenus. Il faut également prendre en compte les conditions de vie. Ainsi, même avec des revenus un peu supérieurs au seuil de pauvreté, peuvent être considérés comme pauvres des ménages qui cumulent des difficultés telles qu’un découvert bancaire, des retards de paiement de leur loyer ou de leur facture d’électricité, des privations (par exemple sur l’achat de viande, les sorties, les vêtements, les vacances...). Ou ceux qui ne disposent pas dans leur logement d’éléments de confort minimal comme l’eau chaude, une salle de bains, etc.
C’est précisément pour prendre en compte cet aspect multidimensionnel de la pauvreté que l’Onpes a mis au point un ensemble d’indicateurs qui viennent compléter le taux de pauvreté monétaire. Globalement, la pauvreté a nettement diminué en France depuis le début du XXe siècle. Elle s’est à peu près stabilisée depuis une dizaine d’années, même si certains indicateurs repartent à la hausse (voir tableau). Malgré tout, et alors même que le chômage tend à se réduire, un nombre croissant de Français ont le sentiment d’une perte de pouvoir d’achat et d’une aggravation de la pauvreté.
Comment expliquer ce phénomène ? C’est que la pauvreté a largement changé de visage. Au début des années 70, la grande majorité des pauvres étaient des personnes âgées, des marginaux, des exclus, que chacun ne côtoyait pas forcément. Aujourd’hui, les pauvres ressemblent à tout le monde. Et du fait de la précarisation des emplois, il s’agit même souvent de personnes qui travaillent : du coup, chacun se sent potentiellement menacé par la pauvreté. Une étude de 2002 2 montrait d’ailleurs que, entre 1994 et 1998, 31 % des ménages avaient, au moins au cours de l’une de ces années, vu leur niveau de vie passer en dessous du seuil de pauvreté.
- 1. Selon la définition européenne, sont considérés comme des travailleurs les personnes qui ont été en emploi au moins sept mois sur douze dans l’année écoulée.
- 2. " La dynamique des bas revenus : une analyse des entrées-sorties de pauvreté ", par Jean-Paul Zoyem, Document de travail n° G2002/11, Insee, septembre 2002.