Société

L’OCDE ausculte les inégalités

3 min

Des "politiques gouvernementales judicieuses" à base de prélèvements, de prestations sociales et de services publics peuvent réduire les inégalités.

Les deux dernières décennies ont été marquées par une augmentation à la fois des inégalités de revenus et du nombre de pauvres." Vous ne rêvez pas, c’est bien l’OCDE qui s’exprime ainsi. Le club des pays riches est pourtant connu surtout pour ses prises de position en faveur de la dérégulation de l’économie (voir aussi la chronique page 30). Cet organisme vient pourtant de publier un rapport baptisé "Croissance et inégalités" 1, qui constitue le panorama le plus détaillé disponible sur les inégalités au sein des pays riches.

Inégalités : indice de Gini mesuré au milieu des années 2000

Les années 70 ou 80 marquent un tournant dans la distribution des revenus dans ces pays. Alors que jusque-là les niveaux de vie avaient tendance à se rapprocher, ils s’éloignent désormais. Il s’agit d’une inflexion plus que d’une rupture : comme le note l’OCDE, l’augmentation des inégalités reste "modérée". Surtout, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Depuis les années 2000, les inégalités sont plus marquées au Canada, en Allemagne, en Norvège et aux Etats-Unis. En revanche, elles ont plutôt diminué au Royaume-Uni, au Mexique, en Grèce et en Australie.

Si l’on exclut les pays en transition et les pays de développement récent (comme le Mexique ou la Turquie), quatre grands blocs apparaissent. Aux extrêmes, la Suède et le Danemark disposent de la distribution des revenus la moins inégalitaire 2 ; à l’autre extrémité, l’Italie, le Portugal et les Etats-Unis s’illustrent par des inégalités 1,6 fois plus élevées. Autour de la moyenne, on a d’abord un ensemble relativement peu inégalitaire constitué du reste des pays du nord de l’Europe, de la Belgique et de la France, et un autre pôle qui l’est davantage, comprenant des pays comme l’Espagne, le Japon ou le Royaume-Uni.

Pour les partisans des modèles anglo-saxons, le niveau des inégalités se justifie par le dynamisme qu’il entraîne, profitable au final aux plus démunis : peu importe que les riches s’enrichissent, si les pauvres en tirent profit. L’OCDE montre que ce mécanisme ne fonctionne pas : les pays les plus inégalitaires sont aussi ceux qui ont le plus de pauvres. Comme les inégalités, le taux de pauvreté a légèrement augmenté en moyenne du milieu des années 90 au milieu des années 2000. Si l’Italie, le Royaume-Uni ou la Grèce se distinguent par une baisse, l’Allemagne, le Canada et surtout l’Irlande ont connu des progressions assez nettes.

Ce retournement historique des inégalités et de la pauvreté n’a rien d’inéluctable, selon l’OCDE : "Quelle que soit la cause du creusement des inégalités, mondialisation ou autres facteurs, il n’y a pas de raison d’être découragé : des politiques gouvernementales judicieuses peuvent faire la différence." L’organisation indique que si les prélèvements et les prestations sociales jouent un rôle essentiel, la fourniture de services publics (dans le domaine de la santé, de l’enseignement obligatoire ou du logement social notamment) est à l’origine de près de la moitié de la réduction des inégalités. Se rapprocher de l’égalité suppose donc de rendre le système fiscal plus juste, de maintenir un haut niveau de prestations sociales et de garantir l’accès de tous à des services publics de qualité.

  • 1. Croissance et inégalités. Distribution des revenus et pauvreté dans les pays de l’OCDE, par Michael Förster et Marco Mira d’Ercole (dir.), OCDE, octobre 2008. Quelques éléments de synthèse sont disponibles sur www.oecd.org/document/36/0,3343,fr_2649_33933_41526756_1_1_1_1,00.html
  • 2. Les données sur les niveaux de vie doivent être considérées comme des ordres de grandeur, car les pays disposent de méthodes de comptabilisation différentes.

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !