Opinion

Un déficit extérieur responsable

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Xavier Timbeau Directeur de l’OFCE

Avec 7,1 milliards d’euros en octobre, soit un déficit de 2,8 % du PIB en cumulé sur douze mois, le dernier chiffre du solde du commerce extérieur a de quoi faire frémir. Et la fin d’année ne devrait pas améliorer les choses. Pourtant, il faut garder la tête froide et, dans un contexte international anxiogène, ne pas voir dans cet indicateur un motif d’inquiétude supplémentaire. En fait, c’est même l’exact opposé : la dégradation du commerce extérieur français montre plutôt que la France joue son rôle d’îlot de stabilité dans un monde qui doute.

A l’inverse, les excédents allemands, souvent vantés, ne sont pas une bonne nouvelle pour l’Europe. Il faudrait que le déficit extérieur allemand se creuse : ce serait le signe que le gouvernement d’Angela Merkel fait enfin l’effort de soutenir la demande intérieure et contribue à soutenir le dynamisme de la zone. Mais l’excédent commercial allemand a grimpé de 2 milliards d’euros en octobre 2008 et il est stable par rapport à la moyenne des douze derniers mois (15,9 milliards).

Comment s’explique le déficit français ? Le reflux des prix du pétrole n’a pas encore produit son effet sur notre balance commerciale. La baisse ne se transmettant qu’avec un retard de quelques mois sur les importations par le jeu des contrats avec les fournisseurs, il faut encore attendre pour que la facture mensuelle passe de 5,2 milliards d’euros à 2 ou 3 milliards d’euros.

Ensuite, l’accroissement du déficit commercial est lié essentiellement aux chutes des exportations vers nos partenaires commerciaux, principalement les pays européens. La France a quelques symptômes d’un déficit commercial structurel lié à des problèmes de fond de sa compétitivité, mais dans le cas présent, la dégradation est liée à l’effondrement de la demande chez nos voisins. Ce n’est pas une bonne nouvelle parce que cela signifie que le ralentissement européen est brutal et rapide. En revanche, jusqu’au troisième trimestre et même jusqu’au premier mois du quatrième trimestre, la France résiste mieux que ses partenaires européens.

Enfin, les circonstances exceptionnelles que nous vivons bouleversent pour un temps les règles orthodoxes de l’économie. La dette interne et extérieure de tous les agents économiques français est très bien notée (un peu moins bien que l’Allemagne, mais mieux que les Etats-Unis et beaucoup mieux que la dette espagnole, italienne, belge ou britannique). Face à un risque mondial de déflation, la France peut et doit être un des acteurs de la relance mondiale en empruntant pour stimuler son économie et, par le jeu du commerce extérieur, celle de ses voisins. C’est le prix de la puissance, et donc, contrairement à ce que les manuels conseillent pour les périodes ordinaires, il faut que la France creuse son déficit plutôt qu’elle n’engrange des excédents commerciaux alors que rôde la déflation.

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