Imagining India, Ideas for the New Century

Nandan Nilekani éd. Penguin-Allen Lane, New Delhi, 2008, 550 p., 699 roupies (environ 12 euros)

Nilekani est une figure de proue du nouveau capitalisme indien. Loin des lignées familiales des castes marchandes qui en forment l’ossature, et dont il est très critique, " N. N. ", comme on l’appelle en Inde, n’en est pas moins un des membres éminents de l’élite. Fils d’un brahmane de Bangalore, la caste supérieure dans l’hindouisme, il en possède le capital social : une grande intelligence pour les mathématiques et l’abstraction en général, et un grand sens du labeur. Rien de plus naturel, dès lors, qu’il soit entré dans un des sept Indian Institute of Technology (IIT), une sorte d’école polytechnique au taux de sélection de l’ordre de 1 % des candidats. Entrepreneur par défaut, comme il le dit lui-même, il deviendra en 1981 l’un des fondateurs d’Infosys.

Dix-huit idées

Le voilà désormais essayiste par défauts... Ceux d’une société et d’une économie indiennes dont les blocages sont bien mis à nu par la crise globale en train de la gagner. En bon programmeur méthodique, il retient dix-huit idées qu’il regroupe en quatre catégories. Celles qui feraient désormais l’objet d’un grand consensus en Inde, comme l’ouverture à la mondialisation. Celles qui seraient encore en discussion, comme le type de réforme à mettre en oeuvre dans l’éducation (privée ou publique).

Puis celles qui font l’objet de controverses, comme les zones économiques spéciales qui ont engendré de nombreux morts dans quelques régions ou encore la lutte de 200 000 paysans contre le barrage sur la rivière Narmada. Enfin, Nilekani livre quelques idées personnelles, notamment sur l’importance des nouvelles technologies.

Loin d’être toutefois une plaidoirie en leur faveur, on appréciera beaucoup la longue enquête de terrain (d’où les 550 pages du livre) qu’il a menée pendant plusieurs années auprès de l’élite la plus moderniste de l’Inde et ce dans tous les domaines. Point commun : ce sont tous des héritiers de Rajiv Gandhi, arrivé au pouvoir lui aussi par accident après l’assassinat de sa mère en 1984 et qui sera lui-même assassiné en 1992 par des rebelles tamouls du Sri Lanka. Cette génération voit maintenant arriver ses enfants - la GenNext, comme on les appelle -, sans avoir complètement réussi à débloquer certains verrous décisifs, comme le montre à l’évidence une très grande pauvreté encore présente dans la plupart des villes et des campagnes.

Quatre solutions

Ses solutions ? Elles sont évidemment multiples, et c’est bon signe. Mais il en retient quatre principales : l’éducation primaire publique et universelle, l’urbanisation, le développement des infrastructures, et la création d’un véritable marché intérieur intégré. On y trouve aussi l’idée d’une couverture sociale minimale.

Le point majeur toutefois concerne la possibilité de mettre en oeuvre ces idées, souvent partagées. Vient alors une fois de plus le constat général d’une administration et d’une classe politique incapables de le faire. On ne s’étonnera pas que les nouvelles technologies soient souvent présentées comme un instrument idéal, offrant les outils adéquats des réformes. Mais, de fait, l’informatique indienne travaille peu pour son marché intérieur (15 % peut-être) et cherche plutôt à attirer en Inde les services occidentaux. Nilekani rappelle comment Rajiv Gandhi a dû affronter une administration fermée à un outil qui apportait plus de transparence, réduisant d’autant les prébendes de la corruption, et bouleversait les rapports de castes. Résultat : les systèmes d’information indiens restent sous-développés, comme viennent de le montrer les carences incroyables des services de sécurité indiens lors des attentats terroristes à Bombay.

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