International

Relance : l’Europe n’est pas à la hauteur

4 min

Malgré des fondamentaux plus sains, la récession est aussi marquée en Europe qu'aux Etats-Unis. En cause : des efforts de relance insuffisants.

L’Europe fait-elle suffisamment face à la crise ? Cette question est au coeur de nombreux débats au sein de l’Union, mais aussi entre l’Europe et les Etats-Unis. Notamment dans le cadre du G20 du 2 avril à Londres. Les Etats-Unis, ainsi d’ailleurs que le Fonds monétaire international (FMI) dirigé par Dominique Strauss-Kahn, souhaiteraient en effet que l’Europe accentue son effort de relance. A juste titre.

Des écarts considérables

Patrick Artus, le directeur de la recherche et des études de la banque Natixis, a comparé récemment les efforts engagés de part et d’autre de l’Atlantique 1. Et l’écart est considérable. Entre 2007 et 2009, les Etats-Unis ont donné une impulsion budgétaire* correspondant à 11 points de produit intérieur brut (PIB), tandis que l’effort engagé en Europe ne se monte qu’à 3,5 points de PIB.

Déficit public aux Etats-Unis et en Europe, en % du PIB

Cette manière de mesurer permet de combiner les effets des plans de relance et des stabilisateurs automatiques, les dispositifs, principalement liés à la protection sociale, qui voient leurs dépenses augmenter et leurs recettes baisser quand la crise s’installe, sans qu’il y ait besoin de décisions politiques particulières. Ces dispositifs étant beaucoup plus faibles aux Etats-Unis qu’en Europe, cela pourrait justifier des plans de relance de moindre ampleur. Malgré cela, l’écart reste énorme.

Même chose côté politique monétaire. Les taux directeurs de la Réserve fédérale américaine ont baissé de 5 points depuis leur pic d’avant-crise, ceux de la Banque centrale européenne (BCE) de 2,75 points seulement. De plus, à partir de l’automne 2008, la Fed s’est mise à financer directement toute l’économie en se substituant aux banques défaillantes 2. Ce qui a entraîné un doublement en l’espace de quelques semaines de la "base monétaire", c’est-à-dire de la quantité de monnaie créée par la banque centrale. Les mesures analogues prises par la BCE n’ont fait croître la base monétaire que d’un tiers.

L’Europe embourbée

Mais, pour apprécier le niveau de ces mesures, il faut également les rapporter à l’ampleur du choc subi par les économies. Le niveau d’endettement des ménages est beaucoup plus important aux Etats-Unis (140 % de leur revenu disponible brut) qu’en Europe (92 %). Et il a beaucoup plus augmenté depuis 2002 : + 32 points, contre + 20. Le besoin de désendettement est donc nettement plus massif aux Etats-Unis.

De même, les dépréciations d’actifs enregistrées par les banques entre le troisième trimestre 2007 et le quatrième trimestre 2008 se sont montées à 813 milliards de dollars outre-Atlantique, contre "seulement" 356 milliards sur le Vieux Continent. Tandis que les pertes subies par les banques commerciales, du fait des défauts des ménages sur les prêts, sont presque dix fois plus élevées aux Etats-Unis...

Le choc subi par l’Europe étant, au final, à peu près trois fois moins important que celui subi par les Etats-Unis, Patrick Artus en déduit que la différence dans les efforts de relance est grosso modo justifiée. Une conclusion pour le moins hâtive.

Certes, le choc subi par l’économie américaine est sans commune mesure avec celui qui touche l’Europe. Cette fois, les Américains vont probablement devoir vraiment apprendre à consommer moins et à épargner un peu. Un processus qui sera forcément long et douloureux, quelles que soient les politiques de relance. Mais a contrario, parce que ses fondamentaux** sont beaucoup plus sains, il serait logique que l’Europe sorte plus rapidement de la crise. Il serait d’ailleurs de sa responsabilité de prendre le relais des Etats-Unis, afin de tirer l’économie mondiale à un moment où les économies émergentes traversent, elles aussi, une passe difficile. Or, pour l’instant, on n’en prend pas le chemin : les prévisions de croissance sont aussi négatives en Europe qu’aux Etats-Unis.

C’est le seul moyen de juger si des efforts de relance sont suffisants ou non : les actions des autorités européennes ne sont manifestement pas encore à la hauteur. Même si cet effort n’aurait en effet probablement pas besoin d’atteindre l’ampleur du stimulus américain.

  • 1. Natixis, Special Report n° 69, 10 mars 2009, accessible sur http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=45650
  • 2. Voir "Jusqu’où iront les banques centrales ?", dans "L’état de l’économie 2009", hors-série n° 80 d’Alternatives Economiques, disponible dans nos archives en ligne.
* Impulsion budgétaire

Variation du solde budgétaire d'une année sur l'autre.

** Fondamentaux

Grandes données structurelles qui déterminent la capacité de croissance d'un pays : population active, évolution de la productivité...

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !