This Time is Different. Eight Centuries of Financial Folly

par Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff Princeton University Press, 2009, 433 p., 35 $.

Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff ont plongé dans les archives statistiques pour produire un livre d’analyse empirique des crises financières à travers les siècles. Loin de raconter des histoires de crises, les deux auteurs enchaînent graphiques et commentaires de graphiques pour tenter d’en sortir des grandes constantes de l’histoire financière. Si la couverture annonce l’étude de Huit siècles de folies financières, l’ouvrage se concentre surtout sur les XIXe et XXe siècles, sans oublier bien entendu la crise des subprime.

Crises de la dette

Il en ressort beaucoup de résultats intéressants. Par exemple, sur les crises de la dette des Etats souverains. Tous les pays y passent au cours de leur histoire. L’Espagne a connu treize défauts de paiement et la France huit ! Mais notre pays se distingue par le fait que, depuis le XIXe siècle, il a toujours payé ses créanciers étrangers rubis sur l’ongle, ce qui en fait le premier pays de l’histoire à s’être vacciné contre ce genre de crise.

Reinhart et Rogoff font remarquer que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, nombre d’Etats se sont retrouvés dans l’incapacité de rembourser leur dette alors même que celle-ci n’était pas spécialement démesurée. Le Mexique ouvre la crise de la dette des pays du Sud en 1982, avec une dette extérieure qui ne représentait que 47 % de son produit intérieur brut (PIB). Idem pour l’Argentine en 2001, avec une dette légèrement supérieure à 50 % du PIB. L’explication se trouve dans le fait que cette dette extérieure représentait généralement environ la moitié de la dette publique totale et que les dirigeants ont souvent préféré ne pas rembourser leurs créanciers étrangers plutôt que leurs créanciers domestiques.

Crises bancaires

Du côté des crises bancaires, les deux auteurs rappellent à l’envi combien les périodes d’excès de distribution de crédits apparaissent toujours comme justifiées à leurs contemporains. " Cette fois, c’est différent ", proclament-ils, avec un comportement d’aveuglement au désastre qu’André Orléan a très bien analysé (voir L’Economie politique n° 43, juillet 2009). Les crises bancaires durent moins longtemps que les crises souveraines : face au risque d’affaissement de leur système bancaire, les gouvernements réagissent vite.

Si certains pays n’ont plus connu de crise de dette extérieure depuis longtemps, tous continuent à être touchés par les crises d’excès de crédits. Un graphique particulièrement explicite montre que les périodes de libéralisation financière sont les plus propices aux crises.

Le coût des crises bancaires dépasse largement celui des aides apportées pour sauver les banques. Avec le ralentissement de la croissance, les recettes budgétaires se tarissent et les déficits budgétaires grimpent en même temps que la dette publique qui augmente en moyenne, de 86 %. Le bilan restera à faire pour la crise des subprime, mais la forte hausse des dettes publiques est bien là.

Enfin, les deux auteurs montrent qu’entre le haut et le bas du cycle de crédit, la croissance économique perd plus de 9 points en deux ans et le chômage monte de 7 points sur cinq ans. Les marchés boursiers perdent 56 % de leur valorisation en trois années et demie et l’immobilier 35,5 % sur six ans.

Les deux auteurs n’ont pas cherché de données sur les marchés interbancaires pour étudier comment les crises de liquidité, du type de celle qui est survenue après la chute de Lehman Brothers, se sont produites à travers les siècles. Comme ils l’avouent volontiers, les économistes disposent de toute façon de peu d’outils pour comprendre les crises de confiance. Et pour comprendre les crises financières de manière générale...

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