Éditorial

Ecolo de droite

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Après avoir contribué à renforcer la légitimité des discours tenus depuis des décennies par les écologistes en plaçant les questions environnementales parmi les priorités de son quinquennat, Nicolas Sarkozy et sa majorité constatent qu’une part de l’électorat, notamment au sein de sa fraction modérée du centre, penche vers les Verts et leurs alliés. La montée des Verts a été vue d’un oeil favorable par la droite aussi longtemps qu’elle affaiblissait le Parti socialiste, jugé comme la seule alternative sérieuse au pouvoir de la majorité actuelle. Désormais, la percée des écolos est vécue comme une menace, car au lieu de se substituer simplement à la gauche socialiste, ils pourraient bien devenir le pivot d’un rassemblement plus large en faveur d’une alternative politique sociale et durable.

Pour Nicolas Sarkozy et sa majorité, il devient donc urgent d’éviter qu’un nombre croissant d’électeurs sensibles aux enjeux environnementaux ne préfèrent l’original à la copie. Cohn-Bendit à Borloo. Il leur faut aussi rassurer le coeur de leur électorat, plutôt hostile aux thématiques écologiques. Pas facile, car la droite peine à réconcilier ses fondamentaux idéologiques avec les exigences d’une économie réellement soutenable.

Même le gentil Nicolas Hulot, qui, hier encore, nous donnait à voir les beautés du monde du haut de son hélicoptère, dénonce désormais le capitalisme sauvage. Il explique avec force que nos malheurs sont d’abord le fruit de notre incapacité à remettre la démesure de notre désir dans sa boîte, en autolimitant nos consommations. Mieux, le coréalisateur du Syndrome du Titanic a compris qu’il était bien difficile d’entendre son message quand on était chômeur. Et qu’en conséquence, la réduction des inégalités n’est pas seulement un enjeu Nord-Sud, mais concerne tout autant nos sociétés riches, car elle est la condition de l’acceptation par tous d’une société plus économe en ressources.

Il y a quelques semaines seulement, Nicolas Sarkozy, présentant le rapport de la commission Stiglitz, expliquait à ses auditeurs que le bien-être de l’humanité était désormais largement déconnecté de la croissance du produit intérieur brut (PIB), que le marché n’était pas un outil de régulation optimal en toutes circonstances, etc. Mais voilà, la politique a ses raisons que la raison présidentielle doit aussi entendre. Aussi, Nicolas Sarkozy a-t-il confié à Chantal Jouanno, la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, la rédaction d’un rapport définissant la spécificité de l’écologie de droite. Autour de quelles idées fortes s’agit-il de la construire ? L’écologie de droite ne doit pas être hostile à la croissance, elle doit compter prioritairement sur la technique pour résoudre les problèmes de l’humanité et laisser à chacun, au nom de la liberté, la possibilité de polluer autant qu’il le souhaite, moyennant quelques taxes supplémentaires... Bref, une écologie qui ne doit surtout pas faire peur au CAC 40 ni remettre en cause, sinon à la marge, les situations acquises et les modes de production et de consommation qui nous conduisent droit dans le mur. Les masques tombent.

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