Idées

Niveaux de vie  : qui est pauvre ?

3 min

L'analyse de la pauvreté par les conditions de vie débouche sur une vision restrictive du phénomène.

La définition de la pauvreté dans les sociétés riches fait l’objet d’un débat récurrent 1. Le plus souvent, il porte sur le seuil monétaire en deçà duquel on est considéré comme pauvre (50 % ou 60 % du revenu médian). Un article de la revue de l’Insee, Economie et statistique2, nous invite à entrer dans le détail d’une autre façon de définir la pauvreté : l’approche par les conditions de vie.

Le nécessaire

Etre pauvre, rappellent Jérôme Accardo et Thibault de Saint Pol, peut être défini comme le fait d’être victime de privations. Encore faut-il préciser lesquelles. A travers l’enquête " Standards de vie " réalisée par l’Insee en janvier 2006 auprès de 5 900 personnes, ils observent quelles sont les privations jugées les plus inacceptables par les personnes interrogées. Conclusion : l’opinion publique ne se met d’accord que sur une sorte de noyau essentiel : " le consensus n’est net que sur un petit nombre de privations, témoignant d’une vision restrictive de la pauvreté limitée aux privations alimentaires sévères, aux manques fonctionnels relatifs à l’habillement, à la très mauvaise qualité du logement et aux difficultés à se soigner ", expliquent les chercheurs.

Logiquement, l’accès des enfants à ces éléments de base est largement perçu comme une nécessité : 90 % des personnes interrogées jugent inacceptable de " ne pas pouvoir payer à ses enfants des vêtements et des chaussures à leur taille ", 89 % de " ne pas pouvoir payer des appareils dentaires à ses enfants " et 86 % de " ne pas avoir assez de rechange pour envoyer ses enfants à l’école avec des vêtements toujours propres ". Pour l’ensemble de la population, " se priver régulièrement d’un repas plusieurs fois par semaine ", " être obligé de vivre dans un logement sans eau chaude ", " ne pas pouvoir se payer de prothèses auditives " sont les items jugés les plus inacceptables.

Le superflu

A l’opposé, tout ce qui relève du loisir, des communications ou des nouvelles technologies n’est pas jugé le plus souvent comme indispensable. Ainsi, 3 % seulement des personnes interrogées pensent qu’on ne peut se passer d’un lecteur de DVD, 4 % d’un lave-vaisselle et 7 % d’un téléphone mobile.

Pour les auteurs, " c’est leur association avec des notions de confort, de détente, de plaisir qui les fait ranger par les enquêtés parmi les biens dont on peut se passer ". Ils ne relèvent pas de lien entre la diffusion de certains biens ou services et le côté plus ou moins inacceptable de la privation. " Ce qui semble ainsi prédominer est une norme de besoins définie de façon absolue par le souci d’assurer la satisfaction des fonctions indispensables à la survie, à l’exclusion d’autres considérations plus généreuses ", indiquent-ils.

Jérôme Accardo et Thibault de Saint Pol ont par ailleurs étudié les résultats d’enquêtes similaires au niveau européen. Ils y retrouvent le même type d’enseignements, l’absence de soins médicaux pour les enfants arrivant en tête. Avec des nuances selon les pays. Les pays les plus pauvres (Grèce, Bulgarie, Roumanie...) sont ceux qui ont la définition la plus large de la pauvreté, alors que les plus riches ont la plus restrictive.

  • 1. Voir par exemple " La France compte-t-elle 8 millions de pauvres ? ", par Louis Maurin, Observatoire des inégalités, février 2009. Disponible sur www.inegalites.fr
  • 2. N° 421, 2009, disponible en ligne sur www.insee.fr

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