De la critique. Précis de sociologie de l'émancipation

par Luc Boltanski coll. NRF Essais, éd. Gallimard, 2009, 294 p., 19,90 euros.

Luc Boltanski est certainement l’un des sociologues français les plus reconnus actuellement. Son récent soutien au Nouveau parti anticapitaliste (NPA) n’est ainsi pas passé inaperçu, conduisant certains à rapprocher sa trajectoire de celle d’un Pierre Bourdieu. Pourtant, s’il a été son disciple puis son collaborateur, Boltanski a fini par prendre ses distances avec la sociologie critique que Bourdieu avait initiée.

Celle-ci ne fait, selon lui, pas assez de cas des jugements que chacun met en oeuvre dans son expérience ordinaire. Dans cet essai, qui reprend trois conférences prononcées fin 2008 à l’Institut de recherche sociale de Francfort - haut lieu intellectuel de la critique sociale -, l’auteur s’interroge sur la manière de concilier la description rigoureuse de la réalité avec sa critique.

Renouveler les concepts

Ce faisant, il pose la question centrale qui hantait déjà Emile Durkheim : à quoi sert la sociologie ? Afin d’y répondre, Luc Boltanski estime nécessaire de renouveler la boîte à outils conceptuelle de cette discipline, en s’affranchissant notamment des oppositions binaires dont partent nombre de travaux sans les discuter (déterminisme- autonomie, faits-opinions...).

Il propose d’autres concepts de son cru et invite notamment à distinguer la réalité et le monde. La première renvoie à ce que chacun se représente comme étant normal dans une situation donnée, et qui résulte en fait d’une construction sociale largement cadrée par les institutions. Quant au second, il désigne tout ce qui arrive, ce flux de la vie qui se manifeste à nous sans formatage et échappe à tout projet de connaissance totale.

Vers l’émancipation

Tel est à gros traits le programme de sociologie pragmatique de la critique que Boltanski a développé à partir des années 1980, rapidement rejoint par d’autres chercheurs. Et c’est parce qu’elle se refuse à voir des rapports de domination partout que cette approche ouvre des voies pour l’émancipation, explique l’auteur, car elle montre que les institutions ne sont jamais à la hauteur de ce qu’elles prétendent être, et plus largement que " la réalité sociale ne tient pas debout ", et donc qu’elle peut être autre.

Très théorique, l’ouvrage peut paraître rébarbatif au premier abord. Mais une fois intégré la grammaire de Luc Boltanski, le lecteur y trouvera à la fois un bilan rétrospectif de ses travaux et une réflexion d’une portée politique essentielle.

Voir toutes nos notes de lectures

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !