Le Québec en pointe sur l’équité salariale

4 min

Le Québec a adopté dès 1996 une loi visant à favoriser une équité de rémunérations entre hommes et femmes sur des postes équivalents.

Le ministre du Travail, Xavier Darcos, s’apprête à présenter un projet de loi sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes... qui ne deviendra jamais que la septième loi en France sur le sujet depuis 1972 ! Alors même que les inégalités hommes-femmes restent particulièrement élevées dans l’Hexagone, notamment en matière de salaires.

D’autres pays ont été beaucoup plus volontaristes que la France pour réduire ces écarts. C’est notamment le cas du Québec 1, qui a adopté une loi sur " l’équité salariale " dès 1996. Cette loi s’applique aussi bien au secteur public qu’au secteur privé, pour toutes les entreprises de dix salariés et plus.

Lorsqu’une entreprise comprend des emplois à dominante féminine (c’est-à-dire majoritairement occupés par des femmes et socialement connotés comme métiers " féminins ") ou des emplois à dominante masculine, elle a l’obligation de comparer tous les postes de l’entreprise, féminins aussi bien que masculins, afin de s’assurer que, à poste équivalent, hommes et femmes perçoivent la même rémunération.

Pour faire cette comparaison, chaque poste est évalué par un système de points attribués en fonction de la qualification requise par le poste, des efforts mentaux et physiques fournis, des conditions de travail et d’emploi imposées, et du niveau de responsabilité du poste. Lorsque deux postes obtiennent le même nombre de points, les salaires doivent être ajustés au même niveau. Si l’on estime par exemple qu’une standardiste femme a un emploi équivalent à celui d’un camionneur homme au sein d’une même entreprise, ils doivent percevoir la même rémunération.

" Il faut comprendre que cette loi ne vise pas à comparer les salaires pratiqués dans les différentes entreprises du Québec et à niveler tous les salaires, précise Louise Marchand, présidente de la Commission d’équité salariale, chargée de faire appliquer la loi. Il s’agit seulement d’assurer une équité de salaires entre hommes et femmes au sein d’une même entreprise. "

Cette loi, issue d’un long combat du mouvement féministe québécois, a été adoptée à l’unanimité du Parlement. Aujourd’hui encore, elle fait l’objet d’un fort consensus social : même les associations patronales l’ont bien accueillie, même si elles contestent certaines de ses modalités d’application. " Tout ce qui va dans le sens de l’équité est dans l’intérêt des entreprises, estime ainsi Yves-Thomas Dorval, président du Conseil du patronat québécois. Car une main-d’oeuvre qui se sent bien traitée est aussi une main-d’oeuvre plus productive. "

Les retardataires à l’amende

Pour autant, selon un bilan de la loi réalisé en 2006, seuls 50 % des entreprises concernées par la loi avaient alors rempli leurs obligations en la matière. En mai 2009, une modification de la loi leur a donc imposé non seulement de le faire au plus tard au 31 décembre 2010 - sous peine d’amendes et de versement d’indemnités aux salariés concernés -, mais également de payer rétroactivement à leurs salarié(e)s les ajustements d’équité salariale dus depuis 2001.

En 2006, un tiers des exercices d’équité salariale effectués avaient conduit à des ajustements salariaux. Ces derniers ont été de 6,1 % en moyenne (mais de 11 % pour les réceptionnistes, par exemple). Sans toutefois handicaper lourdement les entreprises, puisque l’impact moyen sur leur masse salariale était inférieur à 1 %.

Au final, la loi a contribué à réduire les écarts de salaires moyens entre hommes et femmes : ils sont passés de 16,1 % en 1997 à 12,8 % en 2007, tous temps de travail confondus (contre 26,7 % en France). " Mais attention, les écarts de salaires entre les sexes ne s’expliquent pas seulement par des discriminations systémiques, que la loi vise à corriger, rappelle Louise Marchand. Ils sont aussi liés à des différences de temps de travail, de qualité des emplois, d’orientation scolaire, etc. Or, sur ces facteurs d’inégalités, la loi sur l’équité salariale ne changera pas grand-chose ".

  • 1. Le Québec n’est pas un pays, mais une province du Canada, qui a néanmoins le pouvoir de voter ses propres lois dans certains domaines.

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !