La bombe sociale

11 min

Chômage, baisse des revenus, pauvreté..., tous les Français ne sont pas logés à la même enseigne. Jeunes, peu qualifiés et précaires sont en première ligne.

Les conséquences sociales de la crise se diffusent surtout à travers les failles du marché du travail. Perdre son emploi, c’est perdre les revenus d’activité qui lui étaient associés. Et même si le système de protection sociale français prévoit des filets de sécurité, ces revenus de remplacement ne permettent pas de garder le même niveau de vie. Sans compter qu’ils ne sont pas éternels. Or, depuis le début de la crise, 600 000 emplois ont été détruits, principalement dans l’industrie, même si la construction et les services ont également été touchés. Ces pertes ont eu un impact considérable sur le chômage : plus de 900 000 demandeurs d’emploi supplémentaires en deux ans. Et pour la première fois depuis dix ans, le taux de chômage a atteint la barre symbolique des 10 %.

Taux de chômage trimestriel au sens du BIT, en %

Le taux de chômage a franchi la barre symbolique des 10 % au 4e trimestre 2009 en France. Soit une hausse spectaculaire d’un tiers depuis début 2008.

Taux de chômage trimestriel au sens du BIT, en %

Le taux de chômage a franchi la barre symbolique des 10 % au 4e trimestre 2009 en France. Soit une hausse spectaculaire d’un tiers depuis début 2008.

Tous les Français n’ont pas été également affectés, en témoigne le confortable taux de fréquentation affiché par les stations de ski cet hiver. En réalité, ceux qui trinquent le plus sont ceux qui étaient déjà fragilisés avant la crise : les jeunes, les peu qualifiés, les précaires... Autrement dit, ceux qui n’étaient guère familiers des remonte-pentes.

Evolution du taux de chômage par sexe en France, en %

C’est une première : le taux de chômage des femmes, traditionnellement plus élevé, est désormais équivalent à celui des hommes. Ce rattrapage s’explique par le fait que ce sont des secteurs employant principalement des hommes qui ont été les plus durement frappés par la crise (industrie et construction).

Evolution du taux de chômage par sexe en France, en %

C’est une première : le taux de chômage des femmes, traditionnellement plus élevé, est désormais équivalent à celui des hommes. Ce rattrapage s’explique par le fait que ce sont des secteurs employant principalement des hommes qui ont été les plus durement frappés par la crise (industrie et construction).

Les précaires sacrifiés

Pour encaisser la chute de leur activité, les entreprises ont d’abord misé sur la réduction de l’intérim et le non-renouvellement des contrats à durée déterminée (CDD). Sur les 324 000 emplois supprimés entre avril 2008 et avril 2009, plus de la moitié correspondait à des missions d’intérim. Le constat est flagrant dans l’industrie : en un an, 150 000 postes d’intérimaires ont été supprimés, soit la moitié des effectifs intérimaires du secteur ! Dans les services, en revanche, ce sont plutôt les CDD qui ont été utilisés comme variable d’ajustement.

Evolution du nombre de demandeurs d’emploi de catégories A,B et C entre décembre 2007 et décembre 2009, selon l’âge, en %

Le nombre de demandeurs d’emploi âgés de 15 à 24 ans a progressé plus vite que celui des autres classes d’âge. En cause, la précarité du marché du travail, qui repose en grande partie sur leurs épaules.

Evolution du nombre de demandeurs d’emploi de catégories A,B et C entre décembre 2007 et décembre 2009, selon l’âge, en %

Le nombre de demandeurs d’emploi âgés de 15 à 24 ans a progressé plus vite que celui des autres classes d’âge. En cause, la précarité du marché du travail, qui repose en grande partie sur leurs épaules.

Maigre consolation : les emplois précaires sont très sensibles aux fluctuations de la conjoncture, tant à la baisse qu’à la hausse. Avec le début de reprise, 65 400 emplois intérimaires ont ainsi été créés au second semestre 2009. Mais ce rebond est encore loin de compenser l’ensemble des pertes. De plus, ces missions sont plus courtes qu’auparavant : 76 % des intérimaires avaient travaillé au moins deux semaines par mois en mars 2009, ils n’étaient plus que 58 % en octobre, selon une récente étude commandée par le Prisme, la fédération professionnelle du secteur. Plus généralement, la structure des offres d’emploi a évolué vers des contrats plus précaires.

Demandeurs d’emploi de catégories A, B et C selon la catégorie socioprofessionnelle, en milliers

Le chômage ne frappe pas aussi violemment les cadres que les autres catégories socioprofessionnelles. Fin 2009, 85 % des demandeurs d’emploi étaient des manOeuvres, des ouvriers ou des employés.

Demandeurs d’emploi de catégories A, B et C selon la catégorie socioprofessionnelle, en milliers

Le chômage ne frappe pas aussi violemment les cadres que les autres catégories socioprofessionnelles. Fin 2009, 85 % des demandeurs d’emploi étaient des manOeuvres, des ouvriers ou des employés.

De leur côté, les salariés en contrat stable ont été relativement épargnés : les entreprises ont en effet eu massivement recours au chômage partiel pour préserver leurs collectifs de travail. 245 000 salariés étaient concernés au deuxième trimestre 2009, contre 37 000 début 2008. Ce mécanisme est toutefois limité dans le temps : fin 2009, ils n’étaient plus que 144 000.

Les jeunes en première ligne

Le chômage des jeunes s’est envolé : 643 000 demandeurs d’emploi avaient moins de 25 ans en janvier 2010, une hausse de plus d’un tiers en deux ans ! Les autres classes d’âge ont également souffert : ainsi, les demandeurs d’emploi de 25 à 49 ans ont augmenté de 22 % sur la même période. Tandis que les quinquagénaires subissaient un phénomène de rattrapage : plutôt épargnés en 2008 (+ 5,6 %), ils ont payé un lourd tribut en 2009 (+ 21 %). Etant donné le faible taux d’emploi des seniors, se retrouver au chômage à cet âge-là est souvent synonyme d’exclusion définitive du marché du travail. Ce qui ne devrait pas être le cas des jeunes. Poussés en priorité vers la sortie en cas de difficultés, ce sont également ceux qui bénéficient les premiers d’un rebond d’activité. Cette hypersensibilité à la conjoncture s’explique par le fait que nombre d’entre eux occupent des emplois précaires. En 2008, près de trois jeunes en emploi sur dix étaient en CDD, contre 8,6 % pour l’ensemble des actifs occupés.

Taux de chômage selon le diplôme en 2008, en %

Le niveau scolaire reste une bonne assurance contre le chômage. Même si cette inégalité tend heureusement à s’estomper avec le temps.

Taux de chômage selon le diplôme en 2008, en %

Le niveau scolaire reste une bonne assurance contre le chômage. Même si cette inégalité tend heureusement à s’estomper avec le temps.

Pour autant, les difficultés rencontrées par la génération qui arrive sur le marché du travail en plein marasme économique risquent de laisser des séquelles. C’est ce qu’ont mis en évidence les chercheurs du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), en étudiant le devenir des jeunes entrés dans la vie active en 2004, en phase de conjoncture morose 1. La génération 2009 a donc des chances de connaître le même sort que la génération 2004, à savoir un taux de chômage qui reste élevé malgré la reprise.

Ce constat est d’autant plus préoccupant que les jeunes sont faiblement, voire pas du tout, indemnisés par l’Unedic, faute d’avoir suffisamment cotisé, même si la nouvelle convention améliore leur situation 2. Par ailleurs, les moins de 25 ans sont toujours exclus du revenu de solidarité active (RSA), sauf s’ils sont chargés de famille. Néanmoins, à partir de septembre prochain, le RSA sera ouvert aux jeunes ayant travaillé au moins 3 200 heures sur les trois dernières années. Mais cette ouverture restera limitée : seulement 160 000 jeunes devraient en bénéficier.

Emplois occupés à la sortie de Pôle emploi, selon le type de contrat, en %

Les chômeurs qui ont retrouvé un emploi en juin 2009 sont plus souvent en contrat précaire qu’un an plus tôt.

Emplois occupés à la sortie de Pôle emploi, selon le type de contrat, en %

Les chômeurs qui ont retrouvé un emploi en juin 2009 sont plus souvent en contrat précaire qu’un an plus tôt.

Les peu qualifiés surexposés

Les travailleurs peu qualifiés sont doublement pénalisés par la crise. Ceux d’entre eux qui n’ont pas encore perdu leur emploi ont été plus fragilisés que les autres salariés. Pour compenser la faiblesse de leurs salaires, les jeunes peu qualifiés sont tentés d’opter pour le travail de nuit ou bien d’intégrer des équipes percevant des primes de pénibilité. Or, à la faveur de la crise, ces deux éléments de rémunération supplémentaire ont généralement été supprimés, notamment dans le BTP ou l’automobile.

Quant aux peu qualifiés privés de leur emploi, ils se heurtent à de grosses difficultés. Le taux de chômage des non-diplômés est en effet bien plus élevé que celui des détenteurs d’un diplôme de l’enseignement supérieur. La crise devrait encore aggraver cette inégalité en entraînant un durcissement des conditions d’embauche.

360000 fins de droits sans indemnités

360 000 demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits à l’assurance chômage en 2010 ne toucheront aucune allocation de secours. Un certain nombre de ces personnes pourront néanmoins compter sur les revenus de leur conjoint.

360000 fins de droits sans indemnités

360 000 demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits à l’assurance chômage en 2010 ne toucheront aucune allocation de secours. Un certain nombre de ces personnes pourront néanmoins compter sur les revenus de leur conjoint.

Les hommes davantage touchés

Ce sont principalement les hommes qui ont fait les frais de la dégradation du marché du travail. Entre janvier 2008 et décembre 2009, leur taux de chômage a bondi de 43 %, contre 23,5 % pour les femmes. Résultat : jamais le nombre d’hommes au chômage n’a été aussi élevé (1 431 000). Ce triste record est dû à leur forte représentation dans les secteurs soumis aux licenciements les plus massifs, tels que l’industrie ou la construction.

Personnes en situation de sous-emploi, en milliers

Les femmes remplissent le gros des rangs des personnes en situation de sous-emploi, c’est-à-dire qui travaillent à temps partiel alors qu’elles cherchent un emploi à temps plein.

Personnes en situation de sous-emploi, en milliers

Les femmes remplissent le gros des rangs des personnes en situation de sous-emploi, c’est-à-dire qui travaillent à temps partiel alors qu’elles cherchent un emploi à temps plein.

Pour autant, les femmes n’ont pas été épargnées par la crise. Si elles ont été moins durement frappées par le chômage, elles ont en revanche vu la qualité de leurs emplois se dégrader plus fortement. De plus en plus contraintes au temps partiel, les femmes contribuent à alimenter la pauvreté laborieuse (lire aussi page 65).

Nombre de défaillances d’entreprises par région, en 2009

Sans surprise, ce sont les régions qui produisent le plus de richesse qui supportent également l’essentiel des défaillances d’entreprises. L’Ile-de-France, Rhône-Alpes et Paca sont en première ligne sur le front économique, pour le meilleur comme pour le pire.

Nombre de défaillances d’entreprises par région, en 2009

Sans surprise, ce sont les régions qui produisent le plus de richesse qui supportent également l’essentiel des défaillances d’entreprises. L’Ile-de-France, Rhône-Alpes et Paca sont en première ligne sur le front économique, pour le meilleur comme pour le pire.

Les reclassés et les autres

Usines bloquées, dirigeants séquestrés, grèves spectaculaires..., depuis un an et demi, les plans sociaux occupent le devant de la scène. Et pour cause : leur nombre s’est envolé courant 2009, avec un pic en mars, où 252 " plans de sauvegarde de l’emploi " ont été notifiés à l’administration, contre 88 par mois en moyenne en 2008. Quant aux inscriptions à Pôle emploi suite à un licenciement économique, elles ont fortement augmenté entre août 2008 et août 2009 (+ 68,5 %), avant de diminuer par la suite (- 33 % entre août 2009 et janvier 2010). Mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg.

Nombre de plans de sauvegarde de l’emploi notifiés à l’administration, par mois

2009 aura été marquée par une hausse sensible du nombre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Mais cela ne rend pas compte de toutes les restructurations, car seules les entreprises de plus de 50 salariés qui licencient au moins dix personnes sur trente jours ont l’obligation de mettre en Oeuvre un PSE.

Nombre de plans de sauvegarde de l’emploi notifiés à l’administration, par mois

2009 aura été marquée par une hausse sensible du nombre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Mais cela ne rend pas compte de toutes les restructurations, car seules les entreprises de plus de 50 salariés qui licencient au moins dix personnes sur trente jours ont l’obligation de mettre en Oeuvre un PSE.

Ces chiffres ne prennent pas en compte les salariés licenciés qui bénéficient d’accompagnements spécifiques - et relativement avantageux 3 - comme la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP). Les personnes concernées sont en effet comptabilisées comme stagiaires de la formation professionnelle et non plus comme demandeurs d’emploi. Or leur nombre a fortement progressé : on comptait plus de 16 000 CTP en janvier 2010 (contre 1 400 deux ans plus tôt) et 77 000 CRP en décembre 2009 (contre 28 000 début 2008).

En outre, les entreprises évitent autant que possible de passer par un licenciement économique pour se séparer de leur personnel, car les plans sociaux sont souvent onéreux. Si les licenciements pour motif personnel ont dépassé depuis longtemps en nombre les licenciements économiques, une nouveauté a été introduite en juillet 2008 : la rupture conventionnelle. Or ce licenciement par accord mutuel entre le salarié et l’employeur a connu un succès fulgurant (plus de 128 000 cas en 2009). Enfin, seules les sociétés de plus de 50 salariés sont tenues de mettre en Oeuvre un plan social. Les salariés des petites entreprises, eux, peuvent être mis à la porte sans bruit ni gros chèque.

Variation entre 2008 et 2009, en %, du nombre de défaillances d’entreprises par tranche d’effectifs

Victimes du durcissement des conditions de financement, les PME ont vivement ressenti les effets de la crise économique. Les entreprises employant de 50 à 200 salariés concentrent la grande majorité des défaillances (plus 52 % sur un an).

Variation entre 2008 et 2009, en %, du nombre de défaillances d’entreprises par tranche d’effectifs

Victimes du durcissement des conditions de financement, les PME ont vivement ressenti les effets de la crise économique. Les entreprises employant de 50 à 200 salariés concentrent la grande majorité des défaillances (plus 52 % sur un an).

Les découragés

Un million de chômeurs devraient perdre leurs indemnités en 2010. La plupart de ces " fins de droits " seront pris en charge par la solidarité nationale via l’allocation spécifique de solidarité (ASS) ou le RSA - ce qui représente une importante chute de revenus : en septembre 2009, le montant moyen de l’indemnisation chômage était de 1 100 euros, alors que le RSA socle (qui remplace le RMI et l’allocation parent isolé) est de 460 euros pour une personne seule. Mais Pôle emploi évalue à 360 000 le nombre de ceux qui ne toucheront plus rien et dépendront de leur conjoint. Un dossier brûlant qui devrait obliger l’Etat à prendre des mesures d’urgence.

Si le problème n’est pas nouveau (en 2009 déjà, plus de 800 000 chômeurs étaient arrivés en fin de droits), il risque malheureusement d’être durable. Il faut en effet s’attendre à un allongement progressif de la durée moyenne du chômage, au moins jusqu’en 2012. Le risque d’un enfermement dans le chômage est donc réel. Les économistes parlent de " phénomène d’hystérèse " pour qualifier l’obsolescence des compétences des chômeurs de longue durée, ce qui les rendrait difficilement employables, même si la reprise finit par arriver. Le découragement guette également lorsque la recherche d’emploi tend à s’éterniser et peut en pousser certains à se retirer du marché du travail. Mais cela ne se vérifie pas pour l’instant dans l’évolution du taux d’activité.

Variation du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi entre janvier 2008 et janvier 2010 en catégories ABC, en %

La crise économique a accéléré le déclin déjà bien amorcé de la France manufacturière. Ce sont les régions industrielles qui souffrent le plus, notamment dans l’Est. A plus petite échelle, des zones d’emploi comme la vallée de l’Arve, Montbéliard, le bassin houiller ou la Sambre-Avesnois ont vu leur taux de chômage augmenter de plus de trois points en moins de deux ans. A contrario, les régions qui tirent leurs richesses du tourisme ou de la forte présence de retraités s’en sortent mieux, même si elles ont été fragilisées par le repli de la construction : Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur... Plus riches en emplois à haute valeur ajoutée (ingénieurs, cadres, techniciens), les métropoles ont également mieux résisté.

Variation du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi entre janvier 2008 et janvier 2010 en catégories ABC, en %

La crise économique a accéléré le déclin déjà bien amorcé de la France manufacturière. Ce sont les régions industrielles qui souffrent le plus, notamment dans l’Est. A plus petite échelle, des zones d’emploi comme la vallée de l’Arve, Montbéliard, le bassin houiller ou la Sambre-Avesnois ont vu leur taux de chômage augmenter de plus de trois points en moins de deux ans. A contrario, les régions qui tirent leurs richesses du tourisme ou de la forte présence de retraités s’en sortent mieux, même si elles ont été fragilisées par le repli de la construction : Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur... Plus riches en emplois à haute valeur ajoutée (ingénieurs, cadres, techniciens), les métropoles ont également mieux résisté.

Les Français à la diète

La crise a aussi un impact sur le pouvoir d’achat, notamment sur celui des salariés mis au chômage partiel, qui, de ce fait, n’ont touché que 75 % de leur salaire. En 2009, le faible niveau d’inflation a sans doute limité les dégâts, mais les prix repartent à la hausse depuis le début d’année. De plus, de nombreuses entreprises ont supprimé la part variable de la rémunération de leurs salariés. Ce qui n’est pas négligeable : un tiers des entreprises versent des primes de performance collective, principalement sous la forme d’intéressement ou de participation, et 10 % ont recours à des primes de résultat individuelles. La réduction des heures supplémentaires peut également être un moyen de limiter les rémunérations.

Face à cela, les ménages défavorisés ont de moins en moins de marges de manOeuvre : entre 2001 et 2006, la part des dépenses contraintes dans le budget des 20 % les plus modestes est passée de 52 % à 74 %. En cause, l’augmentation des loyers, ainsi que la hausse des dépenses d’assurance. Autre signe inquiétant : le nombre de dépôts de dossier de surendettement a progressé de 15 % en 2009.

Davantage de pauvres ?

Le point d’interrogation est de rigueur, même s’il ne fait guère de doute que la crise aura un impact considérable sur la pauvreté. Seulement voilà : les derniers chiffres disponibles datent de 2007, c’est-à-dire avant l’éclatement de la bulle financière ! 13,4 % des Français avaient alors des revenus inférieurs au seuil de pauvreté (908 euros par mois pour une personne seule).

En novembre dernier, l’OFCE estimait dans un rapport 4 que le nombre de pauvres pourrait augmenter de 239 000 entre 2007 et fin 2010. Mais cette prévision pourrait se révéler quelque peu optimiste au regard des données publiées depuis sur la montée en charge du RSA. En décembre 2009, on comptait 1,1 million d’allocataires du " RSA socle ", 49 000 de plus qu’en juin de la même année, lorsque cette prestation a été créée. Mais le pire est à venir : sur le million de chômeurs en fin de droits en 2010, 230 000 devraient toucher le RSA socle.

Nombre de bénéficiaires ayant un droit payable au RSA, en France métropolitaine, en milliers

Le revenu de solidarité active, mis en place en juin 2009, monte progressivement en charge. Mais le nombre de bénéficiaires du " RSA chapeau ", destiné aux travailleurs pauvres, reste encore trois fois moins élevé que ce que l’on attendait initialement. Il est donc probable que le nombre d’allocataires continue à augmenter significativement.

Nombre de bénéficiaires ayant un droit payable au RSA, en France métropolitaine, en milliers

Le revenu de solidarité active, mis en place en juin 2009, monte progressivement en charge. Mais le nombre de bénéficiaires du " RSA chapeau ", destiné aux travailleurs pauvres, reste encore trois fois moins élevé que ce que l’on attendait initialement. Il est donc probable que le nombre d’allocataires continue à augmenter significativement.

Le nombre de bénéficiaires du RSA " chapeau ", qui complète les revenus d’activité de travailleurs faiblement rémunérés, a également augmenté (+ 170 000), mais on reste largement en deçà des estimations réalisées au moment du lancement du dispositif. Il est cependant difficile d’anticiper l’évolution future du nombre d’allocataires du RSA chapeau. Il peut baisser si ces derniers perdent leur emploi, ce qui les ferait basculer dans le RSA socle. Il peut aussi augmenter fortement si les agriculteurs fragilisés par la baisse de leurs revenus décident de faire valoir leurs droits, alors qu’ils étaient jusqu’ici peu enclins à solliciter la solidarité nationale. La mutualité sociale agricole évalue à 75 000 le nombre d’agriculteurs éligibles au RSA. Une chose est sûre : les conséquences sociales de la crise sont encore pour partie devant nous.

  • 1. Voir " Génération 2004 : des jeunes pénalisés par la conjoncture ", Bref n° 248, janvier 2008.
  • 2. Il faut avoir cotisé 4 mois sur les 28 derniers mois pour avoir droit à l’assurance chômage, contre 6 sur 22 précédemment.
  • 3. Ces dispositifs permettent de suivre des formations, de disposer d’une aide à la recherche d’emploi et de toucher des indemnités supérieures au régime standard. Mais ils sont limités à douze mois.
  • 4. " Impact de la crise sur la pauvreté ", OFCE, rapport pour l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES), novembre 2009.

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