Entretien

Les paradis sous contrôle

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François d'Aubert, président du Peer Review Group sur les questions d'échange d'informations fiscales

Le G20 a poussé les paradis fiscaux à signer des conventions d’échange d’informations. Vous dirigez le Peer Review Group chargé de vérifier que ces conventions sont bien mises en Oeuvre. Comment allez-vous procéder ?

Nous avons d’abord fixé les règles du jeu, le contenu des questionnaires que nous allons envoyer à chacun des 91 pays, paradis fiscaux ou pas, qui font partie du Forum global sur les questions fiscales. Nous voulons vérifier trois choses : la disponibilité de l’information dans l’Etat requis, l’accès légal de son administration à cette information et, enfin, sa capacité à la transmettre à un autre Etat sur demande.

Il s’agit aussi bien d’informations sur la propriété réelle de toute structure opérant dans cet Etat que d’informations bancaires ou comptables. Par exemple, suite à une demande, nous voulons être sûrs que le pays qui la reçoit fait tout ce qu’il faut pour communiquer l’information concernant le propriétaire d’un trust ou de tout arrangement juridique permettant de dissocier le propriétaire et le gestionnaire et pouvant servir à des fins d’évasion fiscale.

Nous allons procéder à une évaluation en deux phases. La première est destinée à vérifier que les conventions internationales d’échange d’informations ont bien été traduites dans le droit interne des pays. La seconde à vérifier la réalité des échanges d’informations. Si au terme de l’une des deux phases, un pays n’est pas considéré comme conforme à ce que l’on attend de lui, on lui indiquera les mesures à prendre pour être reçu à son évaluation. Les pays qui iront jusqu’au bout des deux phases recevront alors un rating, une notation, qui les classera dans quatre catégories en fonction de leur degré de conformité.

Où en est ce processus aujourd’hui ?

Il a démarré en mars avec l’envoi des premiers questionnaires et 40 pays auront reçu le leur d’ici l’été. Parmi les premiers pays concernés, on trouve les Bermudes, la Barbade, l’île Maurice, Monaco ou encore l’Allemagne, l’Australie, l’Inde, etc. Deux assesseurs sont nommés pour chaque pays, l’un spécialiste de droit anglo-saxon et l’autre de droit civil. Nous avons cherché à éviter toutes collusion et indulgence possibles entre évaluateur et évalué. Ces assesseurs peuvent aller sur place, ce qui est conseillé, ou pas. Leur travail d’évaluation donnera lieu à un rapport qui sera nourri des réponses aux questionnaires, mais qui pourra aussi prendre en compte d’autres contributions comme celles que souhaiteraient apporter les représentants de la société civile.

Les rapports seront discutés et adoptés par le Peer Review Group. Les premiers arriveront dès juillet prochain. Une fois passé le processus d’évaluation par les pairs, les documents seront rendus publics, avec les premières sorties vers octobre- novembre. On connaîtra également la liste des pays qui n’ont pas réussi à dépasser la première phase.

Tout cela a été bâti de manière consensuelle. Mais si le G20 souhaite utiliser ces travaux pour mettre à jour des listes blanches et grises de pays non coopératifs, il aura de quoi fonder ses choix sur la base de critères plus exigeants que la seule signature de traités internationaux d’échange d’informations.

Propos recueillis par Christian Chavagneux

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