Société

Sans-papiers : l’acharnement

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La lutte contre l'immigration irrégulière mobilise des moyens démesurés et cause de plus en plus de drames humains.

Quelque 29 300 étrangers sans papiers ont été reconduits à la frontière en 2009. Mais la machine à expulser fonctionne de façon très différente du discours officiel, comme le montre le sixième rapport du Comité de contrôle de l’immigration 1.

Entre 2001 et 2009, le nombre d’étrangers expulsés a été multiplié par trois. Mais le gouvernement a commencé par le plus facile : le renvoi des jeunes hommes arrivés récemment. De plus en plus, il faut que l’Etat paie pour atteindre les " quotas " d’expulsions : en 2008, 10 000 personnes (+ 6 600 par rapport à 2007) ont ainsi été reconduites moyennant le versement d’une prime de 2 000 euros pour une personne seule, 3 500 euros pour un couple et 1 000 euros supplémentaires par enfant. Une politique coûteuse, surtout si l’on ajoute les dépenses de tous les services de l’Etat liées à ces expulsions.

Mais le plus grave, c’est que, de plus en plus, on reconduit à la frontière des personnes qui disposent d’attaches de longue date sur le sol français, et les drames humains se multiplient. Comme dans le cas de Najlae, jeune fille de 19 ans renvoyée au Maroc après s’être présentée au commissariat pour porter plainte parce qu’elle était victime de violences de la part de son frère. Grâce à l’importante mobilisation autour de son cas, elle a pu revenir en France, mais c’est loin d’être le cas pour tous les expulsés renvoyés dans des conditions similaires.

Le paradoxe de cette politique c’est que, tout en expulsant, l’Etat français régularise aussi beaucoup : 29 800 étrangers entrés irrégulièrement ont ainsi obtenu un titre de séjour en 2008, davantage que le nombre d’expulsés. Entre 2002 et 2008, pas moins de 200 000 étrangers ont ainsi été régularisés, selon le comité interministériel, un niveau supérieur à celui enregistré entre 1997 et 2001 ! Une situation moins paradoxale qu’il n’y paraît : la traque des sans-papiers révèle de très nombreux cas de personnes qui ne sont pas expulsables ou difficilement. Mais faute de critères précis pour obtenir une autorisation de travail et de séjour, la politique actuelle débouche sur des décisions arbitraires, qui varient selon les préfectures et la mobilisation locale.

La régulation des flux migratoires est une question difficile, à laquelle on ne peut répondre par un choix simpliste entre immigration zéro et ouverture totale des frontières. Reste que la violence et l’importance des moyens utilisés sont manifestement disproportionnées. Elles ne s’expliquent que par la volonté du gouvernement d’afficher une grande fermeté vis-à-vis des étrangers, dans un objectif électoraliste. Qui n’atteint pourtant pas toujours son but, à en juger par le niveau élevé du Front national aux élections régionales de mars. 5

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