Idées

CDS : un marché sous influence

3 min

Les transactions de Credit Default Swaps sont aux mains de gros acteurs financiers, qui opèrent en toute opacité.

La crise grecque aura peut-être une vertu : celle d’inciter les gouvernements européens à mettre en Oeuvre une stricte régulation du marché des CDS, les Credit Default Swaps. Ces produits d’assurance, censés permettre à ceux qui les achètent de se prémunir du risque de non-remboursement d’un crédit ou d’une obligation, sont en fait devenus de redoutables instruments de spéculation 1.

Ignorance

C’est pourquoi, à la mi-mars, l’Allemagne, la France, la Grèce et le Luxembourg ont envoyé une lettre à José Manuel Baroso, le président de la Commission européenne, pour lui demander de diligenter " le plus rapidement possible une enquête déterminant le rôle et l’impact de cette spéculation sur CDS sur les obligations des Etats européens ". Le fait que la Banque centrale européenne (BCE) ou les régulateurs financiers nationaux européens ne soient pas capables de répondre immédiatement à cette question souligne combien le marché des CDS est opaque. Que sait-on sur les marchés de ces produits financiers spéculatifs ?

Evolution du montant des contrats de CDS, en milliards de dollars

Débutant à la fin des années 1990, les transactions de CDS ont été multipliées par 100 entre 2001 et le pic de 2007, pour atteindre pas loin de 60 000 milliards de dollars. A la fin juin 2009, dernier chiffre connu, ce marché était revenu à 36 000 milliards de dollars, selon les données de la BRI, la Banque des règlements internationaux, soit 6 % seulement du marché total des produits dérivés, l’ensemble des produits financiers à risque.

La BRI distingue deux grands types de CDS : ceux qui permettent de s’assurer contre le défaut de remboursement d’une seule entreprise ou d’un Etat (" single name ") et les " paniers " de CDS qui regroupent plusieurs entités. Seuls les premiers, qui représentent les deux tiers du marché, sont connus avec un peu plus de précision. On sait par exemple que les CDS qui visent à se protéger contre le non-remboursement des obligations d’un Etat, comme dans le cas de la Grèce, ne représentent qu’un peu plus de 7 % du marché des single name. Ce sont donc des marchés étroits et facilement manipulables.

Aux mains des banques

Ils le sont d’autant plus facilement que les transactions de CDS sont aux mains de quelques gros acteurs. Ceux de la finance y sont prédominants puisque les trésoriers des multinationales qui viennent y chercher une assurance contre les variations des prix du pétrole, du blé, etc. (et aussi un peu pour y spéculer) ne représentent que 4 % des transactions. Au sein de ces acteurs financiers, les banques d’affaires jouent un rôle essentiel. Les américaines JP Morgan Chase, Goldman Sachs et la britannique Barclays Capital sont les trois plus gros acteurs, selon une enquête de l’agence de notation Fitch Ratings, et les cinq plus grosses banques contrôlent à elles seules près de 90 % des transactions !

Celles-ci s’effectuent selon une procédure " de gré à gré ", c’est-à-dire dont le prix et le volume sont négociés de manière bilatérale entre acteurs financiers dans la plus grande opacité quant au degré de risque pris. C’est pourquoi, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, les régulateurs financiers souhaitent que ces transactions soient négociées sur des Bourses transparentes et que la solidité des acteurs financiers qui y prennent des paris soit contrôlée en permanence par des chambres de compensation. Au grand dam des banques qui gagnent beaucoup d’argent sur ces transactions opaques et entendent bien que celles-ci le restent. La bataille politique est lancée.

  • 1. Voir page 68 pour une explication sur les mécanismes de la spéculation.

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