Idées

Emploi : la crise paupérise les femmes

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La forte montée du chômage touche surtout les hommes. Mais les femmes, elles, héritent des emplois les plus dégradés.

La publication par l’Insee des résultats de l’enquête Emploi pour le 4e trimestre 2009 a révélé une situation sociale plus dégradée qu’on ne le pensait : en un an, le chômage a progressé de 24 %, et le taux de chômage a désormais franchi la barre symbolique des 10 % 1. Cette mauvaise nouvelle concerne surtout les hommes (+ 32 %). Pour les femmes, la progression est en effet moitié moindre (+ 16 %). Cette évolution s’inscrit dans une tendance de long terme, observée depuis une dizaine d’années : dans les années 1990, le taux de chômage des femmes était supérieur à celui des hommes d’environ trois points. En 2003, l’écart n’était plus que de deux points et d’un point en 2007. Pour la première fois depuis que l’on mesure le chômage au sens du BIT 2 en France, les femmes font jeu égal avec les hommes au 4e trimestre 2009 : 9,6 % dans les deux cas. Chez les moins de 25 ans, le taux de chômage féminin est même inférieur à celui des hommes, mais à un niveau élevé dans les deux cas (24 %, contre 25,3 %).

Bien des explications ont été avancées : moindre discrimination, reconnaissance (enfin !) par le marché du travail du fait que les femmes sont en moyenne plus diplômées que les hommes, ou encore forte présence féminine dans les services, moins touchés par la crise, alors que l’industrie, monde traditionnellement bien plus masculin, la subit de plein fouet.

Records pour le temps partiel

Bref, les femmes seraient relativement épargnées par la crise. Est-ce bien vrai ? Certains chiffres incitent à nuancer sensiblement ce tableau. En un an, le taux d’emploi à temps partiel dans l’ensemble de l’emploi a progressé de près d’un point et demi chez les femmes : 29,3 % au cours du 4e trimestre 2008, contre 30,7 % au cours du 4e trimestre 2009, chiffre le plus élevé jamais enregistré. Chez les plus jeunes (les 15-24 ans), la progression est même de... six points et demi, passant de 32,1 % à 38,6 %, battant là aussi, et de loin, un record absolu. Certes, chez les hommes également on enregistre une progression, mais de bien moindre ampleur.

Part de l’emploi à temps partiel en France* dans l’emploi féminin, par trimestre, en %

* France métropolitaine, données corrigées des variations saisonnières.

Part de l’emploi à temps partiel en France* dans l’emploi féminin, par trimestre, en %

* France métropolitaine, données corrigées des variations saisonnières.

Tout s’est passé au fond comme si, confrontés aux difficultés économiques, les hommes avaient été contraints au chômage, et les femmes au temps partiel, principalement chez les jeunes. Or, on sait bien ce que temps partiel contraint signifie : femme de ménage, femme de chambre, caissière, serveuse..., tous ces emplois qui se conjuguent au féminin et qui sont souvent synonymes de pauvreté laborieuse. Car le temps partiel est devenu la première cause de travail paupérisant. Mais quand les opportunités se font rares, l’emploi de mauvaise qualité trouve plus facilement preneur et, surtout, preneuse.

Ainsi, la crise ne se limite pas à priver certains d’emploi. Elle en contraint d’autres - les femmes essentiellement - à se rabattre sur des emplois de mauvaise qualité. A trop garder les yeux rivés sur le chômage, on risque de perdre de vue que la crise paupérise une partie des salariés (salariées surtout) qui font les frais de la flexibilité souhaitée par nombre d’employeurs.

  • 1. DOM compris. Les chiffres détaillés qui suivent ne concernent en revanche que la France métropolitaine.
  • 2. Le chômage est défini par le fait d’être privé de tout emploi (fût-ce une heure par semaine), par la recherche active d’emploi (pointer à Pôle emploi ne suffit pas) et, si on en trouve un, par la disponibilité pour l’occuper dans les quinze jours. Cette définition est internationale.

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