Idées

Effet de serre : on oublie le méthane

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Le CO2 est, de loin, le principal gaz fauteur de troubles climatiques. Ce n'est pas une raison pour négliger les autres.

Parmi les gaz émis par les activités humaines, le méthane (CH4) est le second en importance derrière le gaz carbonique (CO2) : 7,5 gigatonnes équivalent CO2 (Gteq) de CH4 se sont ajoutées en 2004 aux 37,6 gigatonnes de CO2 émises dans l’atmosphère. Si le CH4 est environ cent fois plus puissant que le CO2 en termes d’effet de serre, sa présence dans l’atmosphère y est en revanche beaucoup plus brève (une douzaine d’années, contre plus de cent ans). Son pouvoir de nuisance diminue donc avec le temps. C’est pourquoi on y prête peu attention. A tort.

Pour faciliter l’appréciation de l’impact des différents gaz à effet de serre, la communauté internationale a adopté des règles d’équivalence. Les émissions de CH4 sont ainsi converties en " équivalent CO2 " en tenant compte de leur potentiel de réchauffement global (PRG) sur une durée de cent ans : l’émission d’une tonne de CH4 en 2010 " vaut ", à l’horizon 2110, celle de 23 tonnes de CO2 (teq CO2) émis en 2010. Mais cette valeur est de 42 tonnes sur un horizon de cinquante ans et de 80 sur un horizon de quinze ans.

Riz et vaches ?

Or, les climatologues l’ont montré, il n’est pas possible d’attendre cent ans pour agir. Une hausse des températures de 2 degrés nécessite une division par deux des émissions de gaz à effet de serre dès 2050. Il devient donc impératif de réduire sérieusement les émissions de CH4, en plus de celles de CO2. C’est loin d’être le cas aujourd’hui. Sous prétexte que les émissions de CH4 seraient essentiellement dues à l’élevage (la rumination des bovins) et à la culture du riz, il serait difficile d’y toucher sans affamer les pays du Sud ou imposer au monde un régime végétarien.

C’est largement inexact. 56 % des émissions mondiales de CH4 proviennent en effet de l’énergie et des déchets : grisou des mines, fuites de gaz pétroliers et gaziers, décharges d’ordures, boues d’épuration, lisiers et fumiers. Dans ces secteurs, le potentiel de réduction de CH4 à bon marché est important. Plusieurs publications récentes montrent que 2 Gteq (avec un PRG calculé sur cent ans) pourraient y être récupérées à court terme et le plus souvent valorisées, pour un coût moyen inférieur à 20 euros la teq CO2, moins que le prix du CO2 sur le marché européen du carbone mi-2008.

Emissions mondiales de gaz à effet de serre en 2004, en Gteq CO2

A l’horizon 2020, en raison du fort pouvoir de nuisance à court terme du CH4, une telle suppression serait équivalente à celle de près de 10 milliards de tonnes d’émissions de CO2, près de 20 % des émissions totales.

Tout le monde y aurait intérêt : les pays riches, dont les réductions de CO2 à court terme sont entravées par l’inertie de leur économie et de leurs modes de vie ; les pays émergents, puisqu’il y a de la marge avant qu’une politique de réduction des émissions de CH4 limite leur développement ; les pays moins avancés, enfin, pour lesquels la valorisation sous forme de méthane de la décomposition des déchets organiques peut constituer une source d’énergie à bas coût. Outre l’intensification des efforts sur le CO2, il faudrait donc jeter les bases d’un programme global de réduction du CH4.

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