Les hedge funds. Entrepreneurs ou requins de la finance ?

par Michel Aglietta, Sabrina Khanniche et Sandra Rigot Ed. Perrin, 2010, 363 p., 20 euros.

1968 fut une année révolutionnaire. Y compris pour le monde de la finance : selon une enquête de la SEC, le gendarme boursier américain, il existait alors 140 fonds spéculatifs, dont la majorité avait été créée cette année-là. Depuis, ils ont fait du chemin. Si l’on devait résumer en une phrase l’analyse qu’en proposent Michel Aglietta, Sabrina Khanniche et Sandra Rigot dans ce gros ouvrage, on pourrait dire qu’ils sont devenus des investisseurs parasites, opaques et porteurs de risques tels pour la stabilité financière internationale qu’il faut strictement encadrer leurs activités et au plus vite !

Opacité

Ce portait au vitriol démarre avec l’histoire de ces gestionnaires de capitaux et de quelques-unes de leurs vedettes comme le célèbre George Soros. Quand, sur près de trente années, l’homme se révèle capable de prendre des paris spéculatifs pratiquement tout le temps gagnants, on se dit qu’il faut un peu plus qu’une bonne connaissance des marchés et du timing de leur retournement pour, même avec beaucoup de chances, y arriver. De fait, Soros traîne une réputation sulfureuse d’insider, comme lorsqu’il a réussi son coup de maître : gagner un pari à 10 milliards de dollars sur la dévaluation de la livre sterling. Certains disent qu’il a bénéficié d’informations privilégiées de la part de fonctionnaires de la Banque centrale allemande qui lui auraient indiqué que celle-ci allait abandonner son soutien à la devise britannique.

Que l’histoire soit vraie ou pas, elle illustre une caractéristique profonde des hedge funds largement analysée dans le livre, leur opacité. Celle-ci s’appuie notamment sur leur domiciliation dans les paradis fiscaux (îles Caïmans, Iles Vierges britanniques, Jersey...). Ces investisseurs, qui représentent désormais de 40 % à 50 % des transactions boursières sur les places de Londres et de New York, ne sont pas tenus de révéler ce qu’ils font avec l’argent que leur confient les investisseurs, les positions spéculatives qu’ils prennent, le montant des emprunts qu’ils contractent pour parier, etc.

La seule chose qui soit totalement transparente, c’est l’argent qu’ils prélèvent sur le montant des actifs qu’ils gèrent (2 %) et la commission de performance exorbitante de 20 % qu’ils prennent sur les gains réalisés ! Ces gérants de fortune se constituent ainsi une rente énorme quand tout va bien, alors qu’ils ne rendent rien quand ils perdent, ce qui fait dire aux auteurs que ce sont des personnes "dont la richesse personnelle n’a rien à voir avec l’utilité de leur activité professionnelle pour la société"...

Transmetteurs de risque

La force du livre est aussi d’expliquer comment le comportement de ces investisseurs introduit des risques importants dans la finance internationale. Ils sont une source d’instabilité parce que leur quête de rendements extrêmes les incite à placer l’argent qu’on leur confie dans des marchés complexes, porteurs de risques importants et mal compris. Ils sont également des transmetteurs de risque à tout le système financier parce qu’ils empruntent beaucoup aux banques d’affaires et que celles-ci sont touchées dès que les fonds perdent leurs paris, et parce qu’ils vendent tout ce qu’ils ont sur différents marchés quand ils sont en difficulté sur l’un d’entre eux.

On ne s’étonnera donc pas que les trois auteurs appellent à une stricte réglementation de ces acteurs financiers. De ce point de vue, les projets en cours aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis ne vont pas assez loin à leurs yeux. Ils plaident pour un encadrement plus rigoureux au moment où ces fonds commencent à s’intéresser de plus près aux marchés de l’énergie, de l’environnement et même... au marché de l’art !

Voir toutes nos notes de lectures

À la une

Laisser un commentaire
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !