Pour que l'économie retrouve la raison

par Claude Mouchot (coord.) Ed. Economica, 2010, 230 p., 23 euros.

C’est un livre remarquable que nous offrent Claude Mouchot et ses coauteurs. Il insiste comme beaucoup sur la " déraison " d’une économie au service de ceux qui ont les moyens plus qu’au service de ceux qui manquent de tout, d’une gestion au service de la finance plus qu’au service des " parties prenantes ", d’une réflexion économique mettant en scène un homo Oeconomicus entièrement guidé par son seul intérêt. Des analyses ou des constats qui ne sont pas vraiment originaux, même si les chapitres qui leur sont consacrés ne sont pas inintéressants.

Favoriser éthique et pragmatisme

L’intérêt de ce livre tient à ce qu’il s’appuie sur une distinction fondamentale entre le rationnel et le raisonnable. Le premier de ces qualificatifs vise la cohérence d’une démarche, le second s’intéresse à sa finalité. Or, la réflexion économique dominante s’attache exclusivement au premier aspect, et délaisse complètement la question de savoir si cela va dans le sens d’une société " raisonnable ". Bien sûr, il n’y a pas accord sur ce que pourrait être un bien commun, souligne Hugues Puel dans le chapitre consacré à ce sujet. Claude Mouchot nous donne la clé de ce que pourrait être une économie (et une réflexion économique) " raisonnable " dans un chapitre final qui devrait être lu et médité par tous ceux qui se piquent d’économie. Aucune théorie ne peut prétendre rendre compte de la diversité des situations qu’elle devrait expliquer. Il doit donc y avoir une " nécessaire multiplicité des discours dans nos disciplines ", écrit-il. Il ne s’agit pas de soutenir que toutes les théories se valent, mais que certaines éclairent mieux certaines facettes d’un problème que d’autres. Entre les politiques qu’elles préconisent, le choix doit s’effectuer sur une base éthique et pragmatique. Le décideur devra " admettre que, dans telle ou telle situation, c’est une autre logique, correspondant à une idéologie qui n’est pas la sienne, qu’il doit privilégier ", tandis que le chercheur devra se contraindre à " un effort d’explicitation des intentions qu’il poursuit et des valeurs qu’il privilégie ". Perroux disait être économiste " parce que les hommes ont faim ", ce qui n’est pas la même chose que l’approche de Lionel Robbins : " optimiser l’allocation des ressources rares entre des fins alternatives ". A lire absolument.

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