Entretien

Il ne faut pas réduire l’aide au caritatif

3 min
Serge Michaïlof consultant et enseignant

Pourquoi critiquez-vous les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ?

Les OMD sont utiles pour sensibiliser l’opinion publique à la nécessité de renforcer l’aide. Ils ont réhabilité la dimension sociale du développement et mis l’accent sur l’offre de services sociaux dévastés par les programmes d’ajustement structurel*. Le problème est qu’aujourd’hui, ils captent toutes les attentions, au détriment d’autres dimensions de l’aide tout aussi cruciales.

Les OMD mettent par exemple l’accent sur la santé et l’éducation, mais oublient totalement l’agriculture. Or, c’est d’abord en s’attaquant à l’agriculture qu’on résoudra le gros du problème de la pauvreté. Les OMD relèvent d’une approche caritative, renforçant la dépendance vis-à-vis de l’aide, au détriment de la création de richesse qui permettrait de soutenir l’action sociale des Etats au Sud.

Faut-il réduire l’aide à vocation caritative ?

Non, mais il ne faut pas réduire l’aide publique au développement à cette seule dimension. Celle-ci devrait s’assigner quatre objectifs. D’abord, le soutien à la croissance dans les pays du Sud pauvres, mais politiquement stables. Cela passe par des dons, mais aussi par des prêts et de l’appui à la mise en oeuvre de politiques économiques.

Deuxièmement, dans les pays en faillite, dont la liste risque de s’allonger et qui sont des foyers d’instabilité régionale, il faut de toute urgence aider à reconstruire les institutions. Nos seules interventions militaires ne suffiront pas à rétablir la sécurité, condition sine qua non de tout développement. En Afghanistan ou en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), la faiblesse de nos actions pour remettre en marche l’appareil d’Etat, à commencer par l’armée, la police et la justice, a des conséquences dramatiques. Troisièmement, là où les capacités locales restent insuffisantes, il faut répondre aux détresses sociales absolues. C’est le champ des Objectifs du millénaire. Enfin, face à la montée du risque climatique, des partenariats doivent être mis en place avec les pays émergents sur le terrain de l’énergie. En 2009, les prêts de l’Agence française de développement (AFD) dans les pays émergents ont permis de réaliser des investissements qui généreront des économies de CO2 correspondant aux émissions de tout le parc automobile français. Ces prêts ne sont pas comptabilisés comme de l’aide au développement et leur coût est nul pour le contribuable français, mais cette coopération n’en est pas moins essentielle.

La France prête au Sud solvable, mais donne de moins en moins au Sud très pauvre...

Face à l’ampleur des besoins, qu’il s’agisse de santé, d’éducation, de filets de sécurité pour le bottom billion, le milliard de l’humanité qui vit avec à peine plus d’un dollar par jour, les financements restent insuffisants et totalement dépendants de la générosité fluctuante des pays donateurs. Il est indispensable de sécuriser ces moyens par une fiscalité internationale : taxes sur les transactions financières internationales, sur les ventes d’armes, etc. Mais encore une fois, il ne faut pas perdre de vue que le caritatif ne peut jouer qu’un rôle complémentaire : sans croissance équilibrée, il ne peut y avoir de recul durable de la pauvreté.

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