Idées

Emploi : des salariés peu mobiles

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La mobilité professionnelle est peu développée en France et repose avant tout sur les travailleurs temporaires.

La mobilité professionnelle a-t-elle progressé en France depuis vingt ans ? En d’autres termes, la proportion de ceux qui ont changé d’emploi, de secteur d’activité ou de catégorie socioprofessionnelle d’une année sur l’autre a-t-elle tendance à augmenter ? On pourrait le penser, puisqu’en ce qui concerne la mobilité " externe ", celle qui se traduit par un changement d’emploi, la proportion de personnes embauchées en CDD représente, en 2009, 74 % du total des recrutements, un sommet jamais atteint jusqu’ici.

Parapluie

Ce volant croissant de main-d’oeuvre temporaire joue en réalité un rôle de parapluie pour le reste des salariés. Il concentre sur lui l’essentiel des mobilités externes, permettant ainsi aux autres de rester de plus en plus longtemps dans la même entreprise : 67,6 % des salariés avaient une ancienneté supérieure à cinq ans en 2008, contre 65,2 % en 2003. Quant aux autres types de mobilité, ils demeurent nettement plus faibles en France que dans la plupart des pays de niveau de développement comparable : 4 % à 4,5 % des personnes en emploi changent chaque année de catégorie socioprofessionnelle (mobilité occupationnelle), trois fois moins qu’aux Etats-Unis, deux fois moins qu’en Allemagne. Quant à la mobilité entre secteurs (par exemple passer de l’automobile au bâtiment), elle n’a cessé de baisser en France depuis 2001.

L’ancienneté des salariés de 25 ans ou plus dans leur entreprise, en %

Ces constats chagrinent les auteurs d’un récent rapport 1. Est-il acceptable que l’essentiel de la mobilité repose sur les épaules de travailleurs temporaires qui ne l’ont pas choisie, qu’ils en supportent les inconvénients en bénéficiant rarement de ses avantages ? Quant aux autres salariés, certes, ils sont plus stables, mais ils " n’ont pas l’impression de progresser et de développer leurs qualifications ", ce qui engendre un sentiment de stress au travail nettement plus important que dans les autres pays de l’Union européenne, en même temps qu’une forte inquiétude de perdre son emploi. Cette moindre mobilité freine les ajustements à la conjoncture, donc l’efficacité de l’économie et le nombre d’emplois. Les salariés auraient pourtant intérêt à une mobilité choisie, car elle leur permettrait d’obtenir un emploi valorisant mieux leurs compétences professionnelles ou plus en rapport avec leurs connaissances. Mais ils sont réticents, surtout si la mobilité implique un déplacement géographique, qui leur ferait perdre en partie leur réseau de sociabilité et poserait des problèmes de logement.

Que faire ?

D’abord, soulignent les auteurs, former les salariés de sorte qu’ils puissent rebondir après un licenciement : ce n’est que depuis très peu de temps que la justice a commencé - timidement - à sanctionner des employeurs pour " dégradation de l’employabilité " des salariés n’ayant bénéficié d’aucune formation malgré des carrières longues dans la même entreprise. Ils préconisent donc d’instaurer pour les employeurs une cotisation d’assurance chômage dégressive en fonction de l’effort de formation effectué.

Ils proposent aussi de mettre en place de façon systématique le " bilan d’étape professionnel " prévu par la loi, mais pas encore appliqué à ce jour. Enfin, ils suggèrent d’instaurer " des compléments salariaux à la mobilité " pendant douze à vingt-quatre mois, proportionnels à l’écart entre l’ancien et le nouveau salaire, complément auquel s’ajouteraient des aides à la mobilité géographique.

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