Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable

par Tim Jackson Ed. De Boeck, 2010, 250 p., 17 euros.

La croissance est insoutenable, la décroissance est instable. Comment sortir de ce dilemme ? Proposer une réponse à cette question fondamentale est l’objet du livre de Tim Jackson, sorti il y a deux ans au Royaume-Uni et qui vient d’être publié en français. Prospérité sans croissance est en fait un rapport remis au gouvernement britannique par l’officielle Commission du développement durable. Malgré un accueil indifférent de la part des autorités, ce rapport est rapidement édité en livre et devient une référence majeure en Europe pour ceux qui cherchent à inventer un nouveau modèle économique soutenable.

Défi

Premier intérêt du livre : évaluer le défi qui est devant nous pour rendre la croissance soutenable, c’est-à-dire découpler l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) et les émissions de CO2. Depuis 1980, l’intensité en CO2 de chaque dollar de PIB produit au niveau mondial s’est améliorée de 25 %. Mais comme le PIB mondial a plus que doublé, les émissions de CO2 ont augmenté de plus de moitié.

L’enjeu du découplage absolu est le suivant : selon les différentes hypothèses de croissance et d’équité entre le Nord et le Sud, le contenu en carbone de la production mondiale doit être divisé par un facteur de 20 à...130 entre aujourd’hui et 2050 (soit quarante ans). Ce défi ne peut pas être comparé aux gains de productivité par heure travaillée, qui ont été multipliés par 20 en France sur les... cent vingt dernières années. Il faudrait donc réaliser en moyenne, chaque année, des gains de productivité carbone entre 3 et 18 fois supérieurs aux gains que la révolution industrielle a permis. Irréalisable.

Sortir de l’impasse

Si la croissance est une impasse, comment s’en passer ? Pour répondre à cette question, il faut comprendre pourquoi nos économies ont aujourd’hui besoin de croissance pour ne pas devenir socialement instable. Le raisonnement de Tim Jackson est le suivant : le progrès technique augmentant la productivité du travail, si l’on ne veut pas créer de chômage, il faut augmenter les quantités produites et donc susciter de la croissance des flux.

Comment sortir de cette dynamique devenue insoutenable ? Premièrement, en remplaçant massivement l’utilisation des énergies fossiles par du travail humain. Ce sont les fameux " emplois verts " dans le bâtiment, les transports, l’agriculture... Leur modèle économique consiste à remplacer du pétrole importé (rentre pétrolière) par des salaires. La conséquence est une baisse de la productivité apparente du travail, une baisse du chômage et de la croissance.

Deuxièmement, en développant une économie du care, ce que Tim Jackson appelle les " entreprises écologiques ", qui améliore la qualité de vie en produisant des services relationnels locaux. Comme ces services peuvent être très peu intensifs en énergie, ils constituent un deuxième gisement d’emplois écologiques qui permettra de diminuer le chômage sans pour autant créer de croissance, puisqu’ils ont une productivité apparente du travail plus faible que la moyenne de l’économie.

Troisième levier : dans la partie de l’économie soumise à la compétition internationale (ce qui n’est pas le cas des deux premières), les gains de productivité restent nécessaires, mais ils doivent être en priorité affectés à la réduction du temps de travail pour ne pas créer de chômage.

Les pistes, trop rapidement résumées, de Prospérité sans croissance nécessitent encore d’être approfondies et modélisées (l’auteur ne dit rien sur leur impact sur les prix, par exemple). Tim Jackson en est le premier conscient puisqu’il affirme que la principale recommandation de son livre est d’en appeler à l’élaboration d’une " nouvelle macroéconomie écologique ". Le programme de travail du Keynes du XXIe siècle est fixé !

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