Dossier

Hammourabi : depuis toujours, l’Etat organise l’économie

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Depuis la nuit des temps, le développement de l’Etat et celui du droit sont étroitement liés à celui de l’activité économique. Le plus vieux code juridique parvenu jusqu’à nous, celui dit d’Hammourabi, en témoigne. Ce roi mésopotamien qui vécut de 1728 à 1686 avant notre ère, l’avait fait graver sur une stèle. Elle contient 282 lois qui couvrent à peu près tous les champs du droit civil et commercial dans une société agricole, machiste et esclavagiste. Exemples.

Il s’agit tout d’abord d’organiser la protection de la propriété privée. Loi 9 : " Si quelqu’un a perdu quelque chose et le retrouve en possession d’un autre ; si la personne qui possède cette chose dit " un marchand me l’a vendue et je l’ai payée devant témoins" et si le propriétaire de la chose dit " je vais amener des témoins qui connaissent ma propriété", alors l’acheteur amène le marchand qui la lui a vendue et les témoins devant lesquels il l’a achetée, et le propriétaire amène les témoins qui peuvent identifier sa propriété. Le juge doit examiner leurs dépositions. Et gare si celle-ci n’est pas crédible : " Le marchand sera alors convaincu d’être un voleur et sera exécuté. Le propriétaire des articles perdus retrouvera son bien et celui qui l’avait acheté recevra son argent pris sur les biens du marchand. " On ne badinait pas avec les voleurs à l’époque !

Esclavage organisé

La question des dettes trouvait, dans ce temps-là, une solution simple : le créancier prenait non seulement les biens du créditeur mais aussi le créditeur lui-même et sa famille, qui devenaient ses esclaves. D’où un certain nombre de règles pour organiser cet esclavage. Loi 115 : " Si quelqu’un qui a une créance pour du grain ou de l’argent sur quelqu’un et l’emprisonne ; si le prisonnier meurt en prison de mort naturelle, l’affaire doit s’arrêter là. " Loi 116 : " Si le prisonnier meurt de coups et de mauvais traitements, le maître du prisonnier doit mettre en accusation le marchand devant le juge. S’il s’agissait d’un homme libre, le fils du marchand doit être exécuté ; si c’était un esclave, il doit payer un tiers de mina d’or [unité de poids de l’époque, ndlr] et il doit perdre tout ce que le maître du prisonnier lui a donné. " Loi 117 : " Si quelqu’un ne réussit pas à rembourser sa dette et se vend lui, sa femme, son fils ou sa fille pour de l’argent ou les donne pour du travail forcé : ils doivent travailler pour trois ans dans la maison de celui qui les a achetés ou du créancier, et être libérés dans la quatrième année. " Loi 151 : " Si une femme qui vit dans la maison d’un homme a passé un accord avec son mari qu’aucun créancier ne peut l’arrêter, et a écrit un document à ce sujet. Si cet homme avait une dette avant d’épouser cette femme, le créancier ne peut pas saisir la femme en gage. Mais si une femme avait contracté une dette avant de se marier, son créancier ne peut pas arrêter son mari. " Une des nombreuses asymétries entre hommes et femmes dans cette société machiste.

Interventionnisme.

Par ailleurs, en ces temps fort anciens, l’Etat est déjà très interventionniste : il fixe en particulier le prix des actes médicaux. Mais celui-ci est fonction du statut juridique du patient... Loi 221 : " Si un médecin soigne un membre cassé ou une partie molle malade d’un homme, le patient doit payer au médecin cinq shekels en monnaie. " Loi 222 : " Si l’homme était un affranchi, il ne doit payer que trois shekels. " Loi 223 : " Si c’est un esclave, son propriétaire doit payer deux shekels au médecin. "

L’esclavage était en effet à l’époque le coeur du système économique et sa sauvegarde une des principales préoccupations de l’Etat. Loi 226 : " Si un barbier, à l’insu de son maître, retire le signe de l’esclave sur la peau d’un esclave qui n’est pas à vendre, alors les mains du barbier doivent être coupées. "

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