Idées

Développement : l’Afrique manque d’impôts

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De nombreux obstacles empêchent la mise en oeuvre de systèmes fiscaux efficaces, nécessaires au développement.

Les économistes en sont enfin convaincus, un système fiscal efficace fait partie des atouts clés d’un développement réussi. Il apporte les recettes budgétaires nécessaires au financement des infrastructures économiques et sociales. Et il contribue à bâtir un contrat social partagé entre l’Etat et l’ensemble de la population et des acteurs économiques privés.

Face à ces défis, l’Afrique ne paraît pas si mal partie : entre 1990 et 2007, les impôts collectés sont passés de 22 % à 27 % du produit intérieur brut (PIB) du continent. Pourtant, cette poussée s’explique uniquement par des recettes fiscales plus élevées dans les pays pétroliers qui ont bénéficié d’une hausse du prix du brut.

Dans la dernière édition de son African Economic Outlook, l’OCDE pointe les nombreuses faiblesses qui bloquent le développement des systèmes fiscaux africains. La présence d’un important secteur économique informel représente un premier obstacle. Pourtant, prévient le rapport, même taxées, les entreprises concernées sont de trop petites tailles et trop pauvres (en profits, en masse salariale...) pour être la source de recettes fiscales importantes.

Problème de collecte. Un autre obstacle tient aux faibles capacités administratives des pays africains, en particulier pour la collecte des impôts. De ce point de vue, l’aide internationale représente un handicap : elle désincite les gouvernements à mobiliser des recettes internes grâce à la fiscalité locale, impopulaire et difficile à mettre en oeuvre. D’autant que la coopération technique en matière de soutien aux administrations fiscales reste faible.

Les économistes de l’OCDE, rejoints en cela par ceux de l’ONG Tax Justice Network for Africa 1, condamnent également le rôle joué par l’évasion et la fraude fiscales. Elles feraient perdre à certains pays l’équivalent de la moitié de leurs recettes, le fisc sud-africain, l’un des plus développés, estimant la perte à l’équivalent de 45 % de ses prélèvements. Les multinationales et leurs pratiques de transferts des profits dans les paradis fiscaux sont particulièrement visées par les experts. Les administrations fiscales africaines ont rarement les moyens techniques de repérer ce genre de comportement quand il se produit, de le mettre à jour ensuite lors des contrôles fiscaux ou de supporter le coût d’un litige avec une multinationale si celle-ci se fait prendre. Les enjeux financiers sont pourtant loin d’être négligeables : selon John Christensen du Tax Justice Network, les pratiques fiscales douteuses des multinationales (transferts de profits, sur ou sous-facturation...) coûteraient chaque année de 150 à 200 milliards de recettes budgétaires à l’ensemble du continent.

Tombe fiscale. Enfin, le rapport de l’OCDE n’oublie pas de souligner que les pays africains creusent parfois eux-mêmes leur tombe. Lorsqu’ils offrent des cadeaux fiscaux aux investisseurs étrangers pour les attirer, lorsqu’ils " oublient " de mettre en oeuvre des taxes d’habitation impopulaires sur un continent à l’urbanisation galopante. Ou bien, lorsque certains pays, comme le Ghana, transforment purement et simplement leur place financière dynamique en paradis fiscal.

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