Éditorial

Occasion manquée

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Le Parlement examine ce mois-ci la réforme des retraites. Réforme ? Le mot est fort s’agissant d’une loi qui, pour l’essentiel, se contente de modifier deux paramètres - l’âge minimal de départ, repoussé à 62 ans, et l’âge de la retraite à taux plein quelle que soit la durée de cotisation, reporté à 67 ans. Le but avoué est de faire rapidement quelques milliards d’économies, le report de l’âge légal devant réduire, dès 2011, le nombre de départs à la retraite, et donc le coût des pensions.

Combinée à l’exigence d’une durée de cotisations de 41 ans, cette réforme va faire du système français un des plus durs d’Europe et accentuer les inégalités entre retraités, au détriment des plus fragiles. Nicolas Sarkozy avait affirmé qu’il entendait éviter toute diminution des pensions. Ces mesures auront l’effet inverse. Compte tenu du niveau du chômage, une majorité de personnes sont aujourd’hui hors emploi quand vient l’heure de liquider leurs droits à la retraite. Le report de l’âge légal les fera dépendre plus longtemps des maigres revenus de remplacement qu’elles touchent actuellement, bien inférieurs à leur future pension.

Au-delà, la majorité des salariés encore en emploi n’a aujourd’hui qu’une envie : partir dès que possible, sans trop réfléchir au montant de sa future pension. Aussi, personne ou presque, parmi les personnes ayant une carrière incomplète, ne travaillera jusqu’à 67 ans - en admettant qu’un employeur désire les conserver jusqu’à cet âge. Résultat : les pensions de ces personnes, en majorité des femmes, vont subir une importante décote. Enfin, que dire d’un report de l’âge légal qui ne s’accompagne d’aucune véritable mesure en faveur de ceux qui, en raison des contraintes subies au cours de leur vie active, ont une moindre espérance de vie ?

Au final, le gouvernement a choisi de procéder à un rafistolage comptable, dicté par la nécessité de démontrer aux marchés financiers sa volonté de réduire les déficits. C’est une occasion manquée de mettre en chantier une vraie réforme de fond, qui rende le système français de retraite à la fois plus lisible, plus pérenne et plus juste.

Pour y parvenir, il aurait fallu commencer par ne pas fermer la porte d’emblée à toute augmentation des ressources des régimes. La hausse des prélèvements doit certes être maniée avec précaution, car d’autres besoins collectifs vont croître (éducation, santé, environnement...). Mais la France pourrait néanmoins consacrer un à deux points de PIB en plus à assurer une vie décente à tous ses retraités.

La seconde exigence aurait été d’agir sérieusement pour que l’allongement des durées de carrière, justifié par l’augmentation de l’espérance de vie moyenne, ne pénalise pas les plus fragiles : en accordant des avantages concrets à tous ceux qui ont subi des conditions de travail pénibles ; en agissant résolument pour améliorer ces conditions pour l’avenir ; en aménageant les fins de carrière afin de rendre plus acceptable pour le plus grand nombre une poursuite d’activité ; en mettant en oeuvre des mesures incitatives qui respectent la liberté de chacun, sans pénalités excessives, et conditionnées à une réelle amélioration de la situation de l’emploi.

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