Idées

Terres agricoles à vendre

3 min

Les investisseurs étrangers multiplient les achats de terres agricoles dans les pays pauvres. Des pratiques à encadrer.

En 2008, en pleine flambée des prix agricoles, la firme coréenne Daewoo avait manoeuvré pour acquérir la moitié des terres arables de Madagascar. Depuis, les achats fonciers transnationaux sont devenus une question surveillée de près, tant par les ONG que par les Etats et les institutions économiques internationales.

En lui-même, le phénomène n’est pas nouveau. Déjà au début du siècle dernier, la United Fruit Company possédait le quart des terres cultivables du Honduras. Ce qui a changé c’est son ampleur. Selon l’International Food Policy Research Institute, 15 à 20 millions d’hectares de terres (l’équivalent de la surface agricole de la France ou encore 1 % des terres cultivées dans le monde) auraient été achetées ou louées dans les pays en développement par des acteurs étrangers entre 2006 et 2009, dans le cadre d’opérations pouvant porter sur des centaines de milliers d’hectares.

Du côté des investisseurs, on compte des pays riches et importateurs structurels qui cherchent à se prémunir du Yo-Yo des cours mondiaux (pays du Golfe), mais aussi des Etats asiatiques pris en étau entre l’accroissement de leur consommation et le manque de terres cultivables non encore exploitées, tandis que leurs sols cultivés sont très dégradés. Principal pays concerné : la Chine. Du côté des zones cibles, l’Afrique intertropicale est la principale visée, mais la Russie et l’Amérique latine sont aussi des espaces convoités.

Tendance de fond

Ces transactions internationales sur les terres devraient encore s’amplifier à l’avenir, prévient un récent rapport du Centre d’analyse stratégique 1. Il est illusoire d’imaginer les empêcher tant les ressorts qui poussent à cette pratique sont puissants. En effet, nourrir le monde en 2050 nécessitera un accroissement de 70 % de la production mondiale, estime la FAO. Comme il ne sera pas possible de jouer sur les seuls rendements, il sera nécessaire d’étendre les surfaces cultivées. Or le potentiel de terres disponibles est élevé en Afrique et en Amérique latine, mais très réduit en Asie et au Moyen-Orient, où les besoins continueront de croître.

Nombre de transactions internationales portant sur des terres agricoles conclues entre 2006 et la mi-2009

Aujourd’hui, souligne le rapport, les transactions internationales sur les sols agricoles sont fréquemment la cause de conflits. Elles sont conclues au mépris des intérêts et des droits des populations locales, dans des contextes où l’insécurité foncière est la règle. Ce n’est pourtant pas une fatalité. Des réglementations nationales pourraient encadrer les contrats associant producteurs locaux et investisseurs étrangers, là où le développement de cultures pour l’export peut avoir un effet d’entraînement sur la production destinée aux marchés locaux. Qui devraient eux-mêmes être soutenus et protégés de la concurrence des marchés internationaux.

  • 1. " Les cessions d’actifs agricoles à des investisseurs étrangers dans les pays en développement ", Centre d’analyse stratégique, juin 2010, www.strategie.gouv.fr

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