Zones urbaines sensibles : dis-moi où tu habites...
Après les discriminations d'emploi liées à l'origine, au genre ou à l'âge, on découvre celles liées aux territoires.
- Copier le lien
- 0 Commentaire(s)
Grandir et vivre dans un " quartier difficile " est un handicap pour accéder à l’emploi. Le constat n’est pas nouveau, puisqu’il a déjà été fait, notamment par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) à plusieurs reprises. Ainsi, parmi les jeunes entrés sur le marché du travail en 2004 et habitant une de ces zones (ou un quartier faisant l’objet d’un " contrat de cohésion sociale "), près d’un quart (24 %) étaient au chômage trois ans après, soit une fréquence deux fois plus grande que les jeunes vivant dans les mêmes agglomérations, mais hors de ces " quartiers sensibles ". 18 % de ces jeunes ont même passé moins de six mois en emploi entre 2004 et 2007, alors que cela n’a été le cas que de 10 % des jeunes n’habitant pas ces quartiers.
Ces chiffres ne permettent toutefois pas de parler de stigmatisation, car ils peuvent très bien refléter le faible niveau de formation d’une bonne partie des jeunes qui vivent en ZUS : 33 % d’entre eux sont en effet arrivés sur le marché du travail sans aucun diplôme (contre 14 % des jeunes habitant d’autres quartiers). Et on sait que cette absence de diplôme pèse lourdement sur la destinée des jeunes concernés : deux économistes lauréats du prix de la Banque de Suède (dit " prix Nobel d’économie "), Michael Spence et Edmund Phelps, ont expliqué qu’elle constituait un signal d’alarme pour les employeurs éventuels. Ceux-ci les écartent car ils craignent qu’ils ne soient pas à la hauteur, pensant que " mauvais à l’école " signifie " mauvais dans l’emploi ". En d’autres termes, les jeunes en question seraient discriminés non parce qu’ils habitent une ZUS, mais parce qu’ils n’ont pas d’atouts éducatifs.
Une étude du Céreq, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications, montre pourtant que ni cet écart dans les niveaux de formation ni l’origine sociale ne suffisent, à eux seuls, à expliquer ce sur-chômage. Il existe bien un " effet quartier " : à niveau de diplôme égal, les jeunes de ZUS ont plus de difficultés à accéder à l’emploi et sont plus fréquemment au chômage. Cela est particulièrement vrai pour les " sans-diplôme " qui, lorsqu’ils proviennent de ces quartiers, sont 2,5 fois plus fréquemment dépourvus d’emploi que leurs voisins diplômés ; hors Zus, l’écart n’est " que " de 1,8 fois plus.
Les diplômés du supérieur aussi
Mais cette fréquence plus forte de non-emploi pour les jeunes issus des ZUS vaut également, mais de façon atténuée, pour les jeunes hommes qui disposent d’un diplôme du supérieur. En revanche, cela n’est pas vrai pour les jeunes femmes. Peut-être, avancent les auteurs de l’étude, parce qu’elles ont plus fréquemment une formation tertiaire, alors que celle des hommes est assez souvent industrielle, un domaine où les embauches sont plus rares.
Et paradoxe, le fait d’avoir des parents non issus de l’immigration accentue au contraire les difficultés d’accès à l’emploi : comme si les employeurs, étonnés que des enfants de parents français habitent une ZUS, s’en méfiaient davantage que des jeunes dont les parents sont immigrés, pour lesquels ils pensent que vivre là est " normal ".
Pour en savoir plus
-
" Zones urbaines sensibles : toujours de fortes inégalités ", Alternatives Economiques n° 287, janvier 2010. Et " Des ZUS encore largement défavorisées ", La LIAE, janvier 2010. Disponibles dans nos archives en ligne.
" Les jeunes des ZUS inégalement pénalisés au moment de l'
insertion ", par Thomas Couppié et Céline Gasquet, Net.Doc n° 79, 2011, téléchargeable sur le site du Céreq.
Suivez-nous
En recevant notre newsletter
Soutenez-nous
Alternatives Economiques est une coopérative 100% indépendante qui appartient à ses salariés et qui ne vit que grâce à ses lecteurs. Nous avons besoin de vous pour faire vivre ce projet.