The Economist's Oath. On the Need and Content of Professional Economic Ethics

par George F. DeMartino Oxford University Press, 2011, 26,63 euros.

Dans le film Inside Job, le remarquable documentaire de décryptage de la crise financière de Charles Ferguson, une vingtaine de minutes ont mis beaucoup d’économistes mal à l’aise. On y voit mises en évidence les collusions avec le monde de la finance de Frederic Mishkin, un ancien membre de la banque centrale des Etats-Unis, de Richard Portes, dirigeant d’un think tank britannique prestigieux, ou encore de Glenn Hubbard, un ancien conseiller économique de George W. Bush. Cela a suscité un débat, début 2011, lors de la réunion annuelle de l’Association des économistes américains (AEA) et une demande de plus grande transparence de la part des économistes rémunérés par le secteur privé.

Tabou idéologique Il n’est pas sûr que cette demande aille très loin car, comme le montre George DeMartino, professeur d’économie à l’université de Denver, dans son tout nouveau livre, l’histoire de la science économique américaine est celle d’un refus constant de tout débat sur l’éthique des économistes.

Pourtant, la question se pose dès les années 1920, autour de trois thèmes qui semblent bien familiers aujourd’hui : la responsabilité des économistes en tant que conseillers des gouvernements et des entreprises, leur participation directe ou indirecte à la spéculation financière, et le fait qu’une partie du financement de leurs recherches provienne d’entreprises défendant leurs intérêts privés.

Le sujet reviendra sur la table dans les années 1940, 1970, 1980 et 1990, mais avec, à chaque fois, la même fin de non-recevoir de l’AEA. Sur quelles bases ? L’Association ne dispose pas de l’expertise pour juger de l’éthique des économistes. Si elle l’avait, elle ne disposerait d’aucun moyen de sanctions, etc. Mais l’auteur montre bien que, au-delà de ces contraintes institutionnelles, la réponse de fond tient à ce que la vision de la science économique qui domine est celle d’un domaine de connaissance et d’expertise neutre et totalement objectif pour lequel les questions d’éthique ne se posent pas.

Une nécessité Pourtant, ces questions se posent bien, affirme George DeMartino, et cela pour trois raisons. D’abord, les économistes détiennent un monopole sur un savoir essentiel à la définition du bien-être des gens, et la façon dont ils s’en servent influence la vie des autres. Ensuite, cette influence n’a cessé de croître au cours des dernières décennies en mettant de plus en plus les questions économiques au coeur du débat démocratique. Enfin, les recommandations publiques des économistes affectent différemment chacun des groupes sociaux. Peuvent-ils, par exemple, conseiller un libre-échange maximum, en sachant que des milliers de personnes y perdront leur travail, dans la mesure où ils pensent que le bien-être de la société dans son ensemble sera plus grand ? Ils répondent généralement qu’il suffit de compenser les perdants, mais l’histoire montre que les perdants ne sont généralement pas ou peu compensés.

Les économistes bénéficient d’une influence sans contrôle, d’une expertise dont les erreurs ne sont pas sanctionnées socialement, comme l’a encore illustré la crise des subprime. La façon de remédier à ce problème n’a rien d’évident et si l’auteur propose quelques grands principes, leur application concrète reste problématique. Mais le problème doit être posé.

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