Entretien

Le gouvernement laisse filer les bonus des banquiers

3 min
Pascal Canfin Directeur exécutif du WWF France

Vous affirmez que la France a transcrit de façon incorrecte la directive européenne visant au contrôle des bonus des banquiers afin de ne pas contraindre leurs rémunérations. Le cabinet de Christine Lagarde a contesté votre interprétation, la maintenez-vous?

Oui, je la maintiens. La transposition et l’application de la directive par la France sont clairement en contradiction avec l’esprit et la lettre de celle-ci. D’ailleurs, le cabinet de Christine Lagarde s’est gardé de faire une réponse précise sur le fond. Bercy se contente d’affirmer que la Commission européenne n’a rien trouvé à redire au texte français. Or son évaluation est en cours. La contrainte d’équilibre entre le montant du bonus et le montant de la rémunération fixe qui a disparu lors de la transposition n’est pas un point annexe. Elle était le résultat d’une dure négociation entre le Parlement et les Etats membres. Le gouvernement français a clairement cherché à récupérer lors de la transposition ce qu’il avait dû céder au Parlement européen lors des négociations qui ont abouti à l’adoption de la directive.

Y voyez-vous plutôt le signe d’un gouvernement favorable aux plus aisés ou bien celui d’un gouvernement qui cherche à minimiser les contraintes pouvant peser sur la finance ?

Les deux sont liés. La France ne soutient la régulation de la finance qu’à condition que cela ne pénalise pas les banques françaises, donc ceux de leurs actionnaires et la minorité de salariés qui travaillent dans les activités de marchés. Au final, ce sont donc bien les plus aisés qui profitent de telles positions.

La France se comporte-t-elle de manière différente des autres pays en la matière ?

Le gouvernement français n’est pas le pire dans les positions qu’il peut prendre à Bruxelles. Ce qui choque, c’est l’écart entre un discours pro-régulation, parfois même donneur de leçons, et les positions réellement défendues dans bien des cas. Le gouvernement britannique de ce point de vue est très cohérent ! Il est toujours pour le moins-disant réglementaire et le moins-disant européen.

Même bien appliquée, la loi européenne serait-elle suffisante ? Le directeur général du Crédit agricole dont la rémunération variable est équilibrée par rapport au fixe (1,2 fois) va quand même empocher 1,6 million d’euros...

Ces rémunérations astronomiques posent la question des inégalités dans notre société et de leur acceptabilité. Est-ce qu’un individu, quelque soit son mérite et son apport à la société, est légitime à gagner 100 fois le Smic ? Je ne le crois pas. C’est pourquoi en tant que Verts, nous avons proposé l’instauration d’un revenu maximum. Concrètement, cela pourrait passer par la mise en oeuvre d’un taux d’impôt marginal sur le revenu de 80 % au delà de 500 000 euros de revenus.

Propos recueillis par Christian Chavagneux

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