Dossier

Éducation : l’école de l’inégalité des chances

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Apeine élu, Nicolas Sarkozy avait dicté une feuille de route ambitieuse à son ministre de l’Education de l’époque, Xavier Darcos. Il ne s’agissait rien moins que de réhabiliter l’autorité et les savoirs, réformer le collège unique, remodeler les rythmes scolaires, lutter contre l’échec scolaire, augmenter la mixité sociale au sein des établissements et développer une culture plus poussée de l’évaluation. La ligne directrice était claire : faire mieux avec moins. Moins d’heures de cours, mais aussi moins d’enseignants. En contrepartie, les moyens devaient être mieux employés, grâce à un surcroît d’autonomie accordé aux établissements. Tandis que le métier d’enseignant devait être revalorisé, en élevant le niveau de formation et en augmentant le salaire des profs.

Des enseignants malmenés

Cinq ans plus tard, le système scolaire a été profondément bousculé. Comme prévu, la moitié des enseignants partant en retraite n’ont pas été remplacés, ce qui s’est traduit par la suppression de 66 000 postes dans la seule Education nationale. Mais, dans le même temps, le nombre d’élèves est, lui, reparti à la hausse. Résultat : les classes sont de plus en plus surchargées, alors que la France se distinguait déjà des autres pays de l’OCDE par un taux d’encadrement des élèves particulièrement bas, surtout en primaire. Pour absorber cette chute des effectifs enseignants, le gouvernement a renoncé à scolariser les enfants en maternelle dès deux ans (voir graphique).

Taux de scolarisation des enfants de deux ans, en %

En termes de revalorisation, les profs sont désormais recrutés au niveau bac + 5. Mais cette réforme, qui avait surtout pour but de diminuer le nombre de postes en supprimant une année de formation rétribuée, s’est faite en sacrifiant le volet pratique et pédagogique de leur formation. Côté salaire, les nouvelles recrues ont bien été augmentées, mais pas ceux qui ont plus de huit ans d’ancienneté. Si bien que les enseignants français continuent de gagner moins que la moyenne de leurs homologues de l’OCDE.

Des élèves fragilisés

Autre réforme : la refonte des rythmes scolaires, avec la semaine de quatre jours en primaire instaurée en 2008. Mais celle-ci est désormais remise en cause, dans la mesure où cela se traduit par des journées trop longues et épuisantes pour les écoliers.

Par ailleurs, le gouvernement a assoupli - et non supprimé - la carte scolaire. Cette mesure était censée accroître la mixité sociale, mais c’est le contraire qui s’est produit : les élèves les plus favorisés ont quitté les établissements défavorisés et la ségrégation sociale a augmenté entre collèges. Pour lutter contre les inégalités sociales, le gouvernement a également mis en place 22 internats d’excellence accueillant 10 000 élèves issus de zones d’éducation prioritaire (ZEP), afin de leur offrir de meilleures conditions d’enseignement. Cela ne représente cependant qu’une très faible proportion d’élèves de ZEP, et risque d’accentuer les difficultés de ceux qui restent dans les établissements défavorisés. Le même problème se pose pour les établissements de réinsertion scolaires (ERS), destinés aux élèves perturbateurs.

L’autre maître mot du projet éducatif de la majorité a été l’autonomie. Elle a été accordée à l’université par la loi LRU et aux lycées avec la réforme de Luc Chatel. Mais elle se révèle pour l’instant largement illusoire, compte tenu du manque de marges de manoeuvre budgétaires des établissements. Au-delà, accorder une plus forte autonomie, c’est prendre le risque de creuser un peu plus les inégalités entre établissements.

Au final, tous ces dispositifs qui visent à classer les élèves dans des filières ou des établissements spécifiques en fonction de leur niveau, de leur comportement ou de leur lieu d’habitation fragilisent un peu plus le collège unique. Pourtant, comme le montrent les enquêtes Pisa de l’OCDE, ce sont les pays qui ont préservé un socle commun au moins jusqu’à 15 ans qui ont les meilleures performances scolaires.

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