Faut-il donner le droit de vote aux étrangers ?

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François Hollande s’est engagé à donner le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement depuis plus de cinq ans sur le territoire national. Cette proposition a suscité de violentes oppositions et se trouve au coeur des débats de la campagne pour les législatives. Le droit de vote des étrangers pose la question toujours délicate du lien entre citoyenneté et nationalité. Mais, contrairement à ce qui a été dit ces derniers temps, il y a peu de raisons de considérer qu’il favoriserait le communautarisme.

Légitimité

Il existe tout d’abord de bonnes raisons de soutenir la légitimité d’un droit de vote pour les étrangers. Résidant légalement et durablement sur le territoire hexagonal, ils participent pleinement à la vie sociale locale, paient leurs impôts et versent des cotisations sociale. Bref, ils contribuent aux circuits de la solidarité nationale. Dès lors, on ne voit pas pourquoi ils devraient être privés d’une participation aux choix politiques qui concernent leur lieu de résidence. Le slogan classique de la révolution américaine " no taxation without representation " (" pas de taxation sans représentation politique ") ne dit pas autre chose : depuis plus de deux siècles, cette idée constitue à juste titre un principe de base de la démocratie représentative. A contrario, on peut légitimement s’interroger sur la place importante accordée désormais au sein du Parlement aux représentants des Français résidant à l’étranger alors qu’ils n’acquittent pas l’impôt sur lequel leurs élus sont appelés à se prononcer.

Communautarisme ?

L’un des arguments les plus régulièrement avancés pour s’opposer au droit de vote des étrangers est qu’il favoriserait le vote communautaire. Autrement dit, on risquerait à cause de cela de voir apparaître dans l’Hexagone des mouvements politiques fondés sur l’appartenance ethnique, confessionnelle ou plus largement culturelle, plutôt que sur la recherche de l’intérêt général et du bien commun.

Si ce risque était sérieux, il se serait probablement déjà manifesté. En effet, l’appartenance culturelle ou confessionnelle n’a rien à voir avec la nationalité : 40 % des immigrés sont Français. Une partie importante d’entre eux est de confession ou de culture musulmanes. Or, on n’a pas vu se développer au cours des dernières décennies de partis se revendiquant de l’islam et de ses valeurs. De même, des Français nés en France de parents français et de confession catholique, protestante, juive ou encore musulmane pourraient plébisciter des partis se revendiquant de leurs valeurs religieuses. Ce n’est pas le cas non plus.

Seize pays européens ont déjà accordé le droit de vote aux étrangers aux élections locales. C’est notamment le cas de l’Irlande ou du Royaume-Uni, où les citoyens du Commonwealth peuvent participer à tous les scrutins. Or, là encore, le spectre du vote communautaire ne s’est pas matérialisé : il n’y a pas de parti pakistanais en Angleterre, pas plus que l’Espagne ou le Portugal n’ont affaire à un vote " latino ". Le risque pourrait toutefois exister qu’à terme, les partis politiques qui plaident pour la défense des intérêts des " autochtones " contre ceux des immigrés, n’attisent la montée d’un vote communautaire de réaction.

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