Dossier

Redéfinir le métier d’enseignant

4 min

Redonner envie de devenir enseignants passe par une formation adaptée et de meilleurs salaires. Deux préalables à une redéfinition de leurs missions.

Les candidats ne se bousculent plus aux concours de recrutement de l’Education nationale. Entre 2005 et 2012, le nombre d’inscrits au concours du Capes a été divisé par trois. Et cette année, plus de 700 postes sont restés vacants à l’issue des épreuves, alors même que peu de places étaient offertes. Une crise des vocations qui va compliquer la tâche du ministre de l’Education nationale, chargé de créer 60 000 postes supplémentaires en cinq ans. Pourquoi une telle désaffection ?

Tout le monde pointe du doigt la réforme de la formation des enseignants de 2010. Et pour cause : l’année de formation en alternance dont bénéficiaient ceux qui réussissaient le concours étant supprimée, les nouvelles recrues se retrouvent immédiatement devant les élèves sans véritable formation pédagogique. Ce qui a pu en décourager plus d’un.

Sous-payés

Mais cela n’explique pas tout. L’autre aspect de cette réforme, la mastérisation, c’est-à-dire le recrutement à bac + 5 des enseignants, n’arrange rien. Avant, une licence suffisait pour devenir prof. Or, on délivre moins de masters chaque année que de licences, ce qui a réduit le vivier de recrutement, en éliminant notamment de nombreux jeunes issus de milieux populaires ou des couches moyennes qui ne peuvent pas se permettre de prolonger autant leurs études. En outre, la mastérisation va certes dans le sens d’une reconnaissance du haut niveau de qualification nécessaire pour exercer ce métier. Ce qui est plutôt valorisant. Sauf que les salaires ne suivent pas. Un enseignant avec au moins quinze ans d’ancienneté gagne, en moyenne, l’équivalent de 32 700 dollars par an (hors prime et heures sup) dans le primaire en France, contre 37 600 en moyenne dans l’OCDE. Au lycée, cet écart avec la moyenne de l’OCDE est encore plus important. Pire, la France est l’un des rares pays, avec le Japon, où ce salaire a diminué en valeur réelle entre 2000 et 2010, alors qu’il progressait partout ailleurs. Bref, le compte n’y est pas. Avec un master en poche, un jeune diplômé a intérêt à rechercher plutôt un poste d’encadrement dans une entreprise privée ou dans l’administration. Les salaires y sont nettement plus attractifs, et les perspectives d’évolution de carrière plus séduisantes.

"Faire des enseignants des experts dans l’art d’apprendre"

Mais même si cela peut sembler légitime, il est peu probable que le gouvernement accepte de revaloriser massivement les salaires, compte tenu du contexte budgétaire actuel. D’autant plus que de nombreuses embauches sont programmées. Le problème, c’est que, dans le même temps, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires - une mesure par ailleurs souhaitable pour soutenir l’emploi - va rogner un peu plus le pouvoir d’achat des professeurs, qui y avaient fréquemment recours pour arrondir leurs fins de mois.

Sortir de la logique du cours magistral

Pourtant, si le gouvernement veut s’attaquer au chantier de la redéfinition des missions des enseignants, il sera certainement amené à faire quelques concessions salariales en contrepartie. Depuis 1950, les obligations de services d’un enseignant ne sont définies que par un nombre d’heures de cours hebdomadaires : 15 heures s’il est agrégé, 18 heures s’il ne l’est pas. Bien entendu, le travail fourni par les professeurs dépasse largement ces heures de présence en classe. Mais tant que leur statut sera uniquement basé sur les heures d’enseignement, il sera difficile de sortir de la logique du seul "cours magistral" qui caractérise le système éducatif français.

Dans de nombreux autres pays, les enseignants s’investissent davantage dans la vie scolaire et leur temps de présence dans les établissements dépasse sensiblement le nombre d’heures de cours qu’ils ont à assurer. Du temps de présence consacré à recevoir plus régulièrement les élèves et leurs parents, à échanger et à se coordonner davantage avec leurs collègues, etc. Mais outre son coût salarial probable, une telle évolution aurait aussi un coût non négligeable en termes d’investissement : il est difficile de demander aux enseignants d’etre davantage présents dans leurs établissements s’ils n’ont pas de bureau où s’asseoir...

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