L’Afpa au bord du gouffre

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Fortement endettée et concurrencée par des offres locales, l'Association pour la formation professionnelle des adultes pourrait déposer le bilan en 2013.

Faut-il sauver l’Afpa ? L’existence de l’Association pour la formation professionnelle des adultes est en effet menacée. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes dans une période où la montée du chômage et la perte de compétitivité font de la formation un enjeu majeur. A ceci près que l’association a accumulé un lourd passif. Depuis maintenant plus de cinq ans, elle enchaîne les déficits faute d’avoir su, ou pu, s’adapter à la nouvelle donne engendrée par la régionalisation de la formation professionnelle. Résultat : si rien n’est fait d’ici à la fin de l’année, l’Afpa, qui emploie 9 300 salariés, pourrait bien déposer son bilan début 2013.

Fragilisée par la régionalisation

A l’origine de ces difficultés, plusieurs raisons. Une certaine lourdeur, tout d’abord, héritée de son statut originel d’association financée aux trois quarts sur fonds publics et en situation de quasi-monopole sur ses principaux marchés 1. En outre, efficacité et contrôle des coûts n’ont pas toujours été la priorité. Un ratio résume l’héritage : les formateurs - dont la qualité n’est pas contestée - ne représentent que la moitié du personnel permanent, d’où des frais de structure très élevés.

Mais les vraies difficultés sont nées du transfert aux régions de près de 500 millions d’euros de financement public entre 2005 et 2009, soit une bonne moitié des recettes de l’Afpa. Désormais, l’association doit répondre aux appels d’offres lancés par les régions pour vendre ses formations. Or, les régions privilégient souvent des offreurs locaux moins distants, voire préfèrent des formations tertiaires courtes, pour faire du chiffre. Résultat : l’Afpa peine à remplir ses formations et ses caisses. D’autant que le transfert à Pôle emploi, contre leur gré, de ses spécialistes de l’orientation a déséquilibré la chaîne de prescription. Enfin, la demande privée recule, sous l’effet de la crise.

Au bon vouloir de Bercy

Donner davantage de pouvoir aux régions en matière de formation professionnelle a permis de mieux coller aux besoins. Et certains de dire que la mort de ce dinosaure public, inadapté aux nouvelles exigences du milieu, ne serait pas si grave. A ceci près que l’Afpa, avec ses 216 centres, remplit des fonctions qu’aucune autre structure n’est à même d’assurer, notamment dans le domaine de l’industrie et du bâtiment. Dans ces secteurs, l’offre doit être pensée au niveau national, car elle requiert des matériels coûteux et mobilise des formateurs très spécialisés. Il est facile d’offrir des formations en bureautique dans chaque région. Ce n’est pas le cas des formations techniques pointues, surtout en période de rapide changement technologique, comme dans le bâtiment avec l’arrivée de nouvelles normes environnementales.

Yves Barou, devenu président de l’Afpa dans la foulée de l’élection présidentielle, se bat sur trois fronts pour tenter de sauver l’association. D’abord, convaincre le personnel du caractère incontournable du plan de redressement proposé, qui réduit les coûts de structure et concentre l’activité sur ses points forts. Pas facile à avaler pour les représentants syndicaux, même si les confédérations, de leur côté, savent qu’il faut en passer par là pour sauver l’outil. Ensuite, il lui faut obtenir de Michel Sapin, le ministre du Travail et de l’Emploi, qu’il fasse comprendre aux régions que c’est leur intérêt de défendre les formations techniques.

Mais au final, c’est de Bercy qu’est attendue la bouée de sauvetage ou le coup de grâce. Compte tenu des dettes accumulées, l’Afpa a besoin d’être recapitalisée à hauteur de 200 millions d’euros. Une somme rondelette par les temps qui courent et qui fait hésiter - le mot est faible - le ministère de l’Economie, qui redoute de devoir remettre au pot ultérieurement. Une crainte qui serait plus justifiée si le cabinet d’experts mandaté pour l’examiner n’avait pas validé le plan de redressement et si BNP Paribas, leader du pool bancaire qui finance l’association, n’était pas prête à revenir dans le jeu si l’Etat assume ses responsabilités.

  • 1. Le secteur privé n’assurait qu’un quart des ressources (congé individuel de formation, contrats de professionnalisation...). Les trois autres quarts correspondaient à une subvention globale de l’Etat pour les activités de formation, d’orientation et d’ingénierie de formation de l’Afpa ; le reste des ressources publiques provenait des régions et de l’ANPE.

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