Précarité : la recrudescence des bas salaires
Un salarié sur six occupe désormais un emploi à bas salaire en France. Un mouvement de
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Avec la crise, le salariat se paupérise à nouveau. La proportion de salariés à bas salaire augmente en effet depuis 2008, alors qu’elle avait diminué au tournant des années 2000. Supérieure à 18 % en 1995, cette part était descendue sous la barre des 15 % en 2007, avant de remonter à 16,1 % en 2011. Résulat : on compte désormais 3,6 millions de salariés occupant un emploi à bas salaire, soit près d’un salarié sur six, selon une récente étude de la Dares, le service statistique du ministère du Travail 1.
Un emploi à bas salaire est à un emploi dont le salaire net est inférieur ou égal aux deux tiers du salaire médian, celui qui partage la population des salariés en deux, l’une moitié gagnant plus, l’autre percevant moins. C’est-à-dire 1 055 euros net mensuel en 2011, soit un niveau très proche du Smic (1 074 euros). Ce sont principalement les salariés à temps partiel qui sont concernés, mais aussi les CDD, les intérimaires, les stagiaires, les personnes en emplois aidés ou encore celles qui travaillent chez un particulier. Autres caractéristiques : il s’agit souvent d’emplois peu qualifiés, occupés majoritairement par des femmes et des jeunes.
La crise a stoppé net le mouvement de dépaupérisation du salariat que l’on observait depuis vingt ans. Plusieurs facteurs expliquaient cette décrue. La modification de la structure de la population salariée a joué un rôle : le niveau de diplôme et de qualification s’est en effet élevé ; en témoigne la diminution de la part des ouvriers dans l’ensemble des salariés, qui est passée de 30 % en 1995 à 23 % en 2011. Autre explication : la forte progression du Smic dans le contexte de réduction du temps de travail au début des années 2000 a eu tendance à faire diminuer le nombre de personnes à bas salaires. Ce qui s’est traduit par un resserrement de la hiérarchie des salaires dans le bas de la distribution : la rémunération des 10 % des salariés les moins bien payés a progressé plus vite que le salaire médian. Le même phénomène a été observé lors du mouvement de convergence vers le haut des différents minima salariaux entre 2003 et 2005.
Coup d’arrêt
Mais la forte dégradation du marché du travail, à partir de 2008, a donné un coup d’arrêt à ce processus. La pression à la baisse exercée par le chômage sur les salaires n’est pas seule en cause. Les ouvriers non qualifiés et les hommes ont particulièrement trinqué. Du coup, la proportion de femmes dans l’emploi salarié privé s’est accrue. Or, elles sont surreprésentées parmi les salariés à temps partiel et à bas salaire. D’autre part, face au retournement d’activité et à la baisse de leurs carnets de commandes, les entreprises ont diminué le nombre d’heures travaillées par salarié, via une réduction des heures supplémentaires ou un recours au chômage partiel. Ce qui a pu fragiliser les salariés les moins bien payés. Elles ont également supprimé primes et compléments de salaires, qui constituaient une part non négligeable (10 %) de la rémunération des 25 % les moins bien payés parmi les salariés.
Cet inquiétant constat, dressé par la Dares, devrait alimenter les débats entre partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi. La problématique des salariés à temps partiel, qui représentent 75 % de la population à bas salaire, est en effet inscrite au menu des négociations en cours.
- 1. "Les bas salaires en France entre 1995 et 2011", Dares analyses n°68, octobre 2012.
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