L’économie française en 2013 : vaches maigres

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L'année 2013 s'annonce mauvaise pour l'économie hexagonale. Et ce, sur tous les fronts.

Selon toute vraisemblance, 2013 sera une année particulièrement difficile pour l’économie française. Les prévisions annoncent certes généralement une légère progression du produit intérieur brut (PIB), mais elle est quasiment toujours inférieure aux espérances actuelles du gouvernement. Une situation liée notamment à la politique de restriction budgétaire voulue par François Hollande, qui vient s’ajouter au concert européen de l’austérité, déprimant un peu plus une zone euro dont il ne faut attendre aucune stimulation extérieure. Du coup, les Français vont payer au prix fort cette période de basses eaux, à la fois en termes d’emploi et de pouvoir d’achat.

De sombres prévisions

Le gouvernement, qui table encore sur une croissance du PIB de 0,8 %, devra très probablement revoir sa copie. La plupart des prévisions annoncent plutôt entre 0 % et 0,4 %. Ce sera sans doute un peu mieux que la moyenne de la zone euro , mais pas assez pour maintenir l’emploi et le pouvoir d’achat. Et pour cause, tous les moteurs de l’activité sont en panne. La mise en oeuvre de politiques d’austérité simultanément partout en Europe devrait priver de demande extérieure une économie hexagonale qui réalise 60 % de ses exportations dans les autres pays de l’Union européenne. De plus, si l’euro continue de s’apprécier face au dollar, les résultats du commerce extérieur hors zone euro pourraient également souffrir.

Le salut ne viendra pas non plus de l’investissement des entreprises. Leur taux de marge étant à un niveau historiquement bas et leurs débouchés peu assurés, leurs investissements ne devraient pas se redresser. L’OFCE les prévoit en recul de 1,4 % sur 2013. Certes, cette prévision a été publiée avant l’annonce de l’octroi d’un crédit d’impôt de 10 milliards d’euros aux entreprises en 2013 . Mais il reste peu probable, dans le contexte actuel, qu’elles choisissent d’investir cet argent en France. Quant à la consommation des ménages, traditionnellement le principal moteur de l’activité dans l’Hexagone, elle devrait baisser l’an prochain, légèrement selon la Commission européenne (- 0,1 %), plus significativement selon l’OFCE (- 0,6 %). Au total, ce contexte devrait réduire mécaniquement les recettes de l’Etat et lui faire manquer l’objectif d’un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Celui-ci devrait atterrir aux alentours de 3,5 % du PIB, tandis que la dette publique grimperait de 90 % à 93 %.

L’emploi en berne

Cette mauvaise conjoncture se paiera d’abord en termes d’emplois. L’économie française qui voit déjà s’accélérer les destructions d’emplois devrait poursuivre dans cette direction en 2013, alors même que la population active croîtra d’environ 100 000 personnes. Dans un contexte où les taux de marge sont très bas et où la productivité stagne depuis plusieurs années, beaucoup d’entreprises pourraient choisir de licencier. Selon l’OFCE, 243 000 personnes devraient aller grossir les rangs des chômeurs en 2013. Le taux de chômage grimperait alors à 10,7 %, voire 11 %, contre 10,2 % aujourd’hui. Des prévisions d’autant plus inquiétantes qu’elles tiennent compte des créations d’emplois aidés annoncées par le gouvernement (emplois d’avenir, contrats de génération), et sans lesquelles la situation serait encore bien pire.

La période sera particulièrement difficile sur le front du chômage de longue durée, dont les effectifs ont déjà gagné 10 % depuis un an, selon Pôle emploi, pour ceux qui sont au chômage depuis plus d’un an, et 20 % pour ceux qui le sont depuis plus de trois ans... L’horizon de la reprise s’éloignant encore, beaucoup d’entre eux arriveront en 2013 au terme de leur période d’indemnisation et iront gonfler un peu plus les rangs de la pauvreté en tombant dans le régime de l’assistance.

La tendance est très négative en particulier pour les plus de 50 ans, pour lesquels le nombre de chômeurs a augmenté de 15 % en un an. La situation se durcit également pour les jeunes : les inscrits à Pôle emploi de moins de 25 ans en catégorie A ont augmenté de 10 % en un an. Malgré les emplois d’avenir qui leur sont particulièrement destinés, les chemins d’insertion sur le marché du travail se compliqueront plus encore pour les nouveaux entrants, faute d’opportunités. Certes le pacte de compétitivité et le crédit d’impôt de 10 milliards d’euros accordé aux entreprises amortiront sans doute une partie du choc. Les entreprises de moins de 250 salariés devraient en effet avoir la possibilité de recevoir des acomptes dès 2013 et, pour les plus en difficulté, de surseoir ainsi à d’éventuels licenciements. Mais ce cadeau du gouvernement aux entreprises ne s’accompagne pour le moment d’aucune conditionnalité. C’est à la négociation entre les partenaires sociaux sur la sécurisation de l’emploi qu’il reviendra dans les semaines qui viennent d’imaginer des contreparties en termes d’emplois. Les syndicats en ont en tout cas exprimé le souhait. Mais, outre que le patronat traîne les pieds, même un accord ambitieux ne permettrait pas vraiment d’inverser la tendance en 2013.

Le pouvoir d’achat en baisse

Sur le front du pouvoir d’achat, l’année prochaine n’est guère plus prometteuse. D’abord, du fait des suppressions d’emplois qui occasionneront autant de pertes de revenus. Ensuite, du fait de l’augmentation des prélèvements obligatoires, même si les principales hausses d’impôts sont concentrées sur les ménages les plus aisés (la hausse de la TVA n’interviendra qu’au 1er janvier 2014). Ce risque pourrait cependant être atténué par plusieurs facteurs. Tout d’abord, si l’euro continue de s’apprécier face au dollar, les exportations en dehors de la zone euro en seront certes pénalisées, mais la facture énergétique en sera aussi diminuée, les achats d’hydrocarbures étant libellés en dollars. Ensuite, le ralentissement de la croissance mondiale entraîne une détente sur les marchés de matières premières. Cette tendance amorcée aujourd’hui pourrait réduire d’autant l’inflation importée si elle se prolongeait. Mais ces marchés nous ont habitués à une grande volatilité...

Enfin et surtout, les variations du taux d’épargne des ménages pourraient amortir en partie les effets de la baisse du pouvoir d’achat sur la consommation. On peut imaginer en effet que les plus aisés puisent dans leur bas de laine pour maintenir leurs standards de consommation. Mais, sur ce point, les prévisions sont contradictoires et annoncent des variations de faible ampleur : légèrement négatives pour la Commission européenne (- 0,1 %), légèrement positives pour l’OFCE (+ 0,2 %). En même temps que certains désépargnent pour maintenir leur style de vie, d’autres au contraire pourraient accroître leur épargne de précaution pour faire face à un éventuel coup du sort (perte d’emploi, etc.).

Au total, l’année qui vient risque donc d’être noire pour nombre de Français, à commencer par les plus vulnérables. Et cette situation ne résulte pas seulement d’un manque de compétitivité (réelle) de l’économie hexagonale, mais aussi d’une politique qui a succombé à la pression austéritaire excessive à l’oeuvre sur l’ensemble du continent.

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