Opinion

Le faux procès de l’aide publique au développement

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Sébastien Fourmy chargé de campagne à Agir Ici

L’aide publique au développement est souvent présentée, à tort, comme intrinsèquement inefficace, voire contre-productive, et renvoyant à la Françafrique : au service des intérêts économiques et géopolitiques français avant tout. Un refrain que le ministre du Développement, Pascal Canfin, a repris en partie à son compte lors des débats budgétaires au Parlement.

Ce passif ainsi mis en avant, les coupes budgétaires dans l’aide française paraissent justifiées. Elle devrait reculer de 200 millions d’euros en 2013. La France s’est bien engagée à consacrer 0,7 % de sa richesse nationale au développement international d’ici à 2015, mais le chiffre attendu est de 0,48 %.

Le gouvernement met en avant ses solutions alternatives : transparence des multinationales, lutte contre l’évasion fiscale, innovation technique et développement durable... Indispensable, convenons-en. Mais il est illusoire de penser que ces politiques, pour être utiles au développement, n’auront pas de coûts additionnels.

Couper aujourd’hui dans les budgets d’aide publique au développement est un choix incompréhensible. C’est faire une croix sur l’éradication de la pauvreté et le financement des biens publics mondiaux. Un seul exemple : conformément à l’accord de Copenhague, 100 milliards de dollars par an doivent être engagés en 2020 pour "l’aide climat" dans les pays en développement. Face à ces défis, c’est une évidence, l’objectif de 0,7 % est insuffisant. Pour y faire face, la solidarité internationale devait changer d’échelle. Elle recule, en quantité et en qualité.

Les solutions innovantes existent pourtant. La taxe sur les transactions financières devait être le moyen de faire payer les acteurs de la crise financière mondiale en faveur du développement. Le gouvernement a fait le choix d’en allouer la quasi-totalité des revenus au déficit.

Sur la qualité, les signaux sont là aussi au rouge. Les flux financiers destinés aux 17 pays pauvres prioritaires sous forme de subventions - parmi eux le Mali, le Niger... - sont atteints par les coupes. Dans le même temps, la France vient de signer avec le Kenya un prêt concessionnel de 7 millions d’euros pour des équipements de télécommunications. La condition : 70 % du marché doivent être attribués à des entreprises françaises. Le ministère du Développement ne doit pas devenir celui de l’intérêt mutuel, à 70 %.

Oui, l’aide au développement doit être plus efficace et plus transparente. Oui, elle ne constitue pas l’alpha et l’oméga des politiques de développement. Oui, d’autres sources de financement, notamment domestiques, doivent être encouragées... La liste est longue. Débattre de tout cela, trois fois oui. Le faire après que les budgets ont été coupés donne avant tout l’impression d’entériner un renoncement de la France.

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