Environnement

Climat : des scénarios plus noirs

3 min

Boom du pétrole de schiste aux Etats-Unis, fringale énergétique des pays émergents, économie verte en panne... ça chauffe !

Chaque fin d’année est propice à la prévision énergétique et climatique. C’est en effet le moment où se réunissent les Etats parties à la convention des Nations unies sur le climat. Et où paraît le World Energy Outlook, le très attendu rapport prospectif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ses prévisions pour 2035, sans être surprenantes, sont très inquiétantes. La consommation mondiale d’énergie va encore augmenter d’un tiers d’ici là. Elle sera tirée par la Chine, l’Inde et le Moyen-Orient, les pays occidentaux devant voir leur demande progresser de 3 % seulement. Ce sont essentiellement les énergies carbonées qui seront mobilisées (+ 14 % pour la consommation de pétrole, + 21 % pour le charbon et + 50 % pour le gaz).

Résultat : les émissions de CO2 liées à l’énergie devraient passer de 31,2 gigatonnes en 2011 à 37 en 2035. Ce qui devrait entraîner, vers la fin du siècle, une hausse des températures moyennes de 3,6 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Presque le double des 2 °C estimés supportables pour l’humanité et que la communauté internationale s’était engagée à ne pas dépasser. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants qu’ils intègrent les efforts déjà promis par les pays développés et les émergents.

Mettre les bouchées doubles

Selon l’étude "Low Carbon Economy Index" de PwC 1, c’est même un réchauffement de 6 °C qui pourrait être atteint. Pour le cabinet d’audit, la messe est pratiquement dite. L’intensité carbone (la quantité de carbone émise rapportée au produit intérieur brut) de la planète a diminué de 0,8 % par an en moyenne durant les années 2000. Pour ne pas dépasser les 2 °C, il faudrait qu’elle baisse six fois plus vite tout au long des quarante prochaines années.

Pas impossible, mais très difficile, car cela implique des plans massifs et pérennes d’économies d’énergie. Dans son étude prospective présentée dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, l’Ademe a estimé les conséquences pour la France d’une division par quatre de ses émissions à l’horizon 2050 2. Dans le secteur du bâtiment (40 % de la consommation énergétique finale), il faudrait entre autres choses avoir achevé la rénovation thermique de 27 millions de logements de sorte que leur consommation tombe au niveau des meilleures performances actuelles. Dans les transports, deuxième secteur prioritaire, le parc automobile devrait passer de 35 millions à 22 millions de véhicules. Lesquels rouleraient au gaz et à l’électricité et seraient largement partagés : adieu la mobilité sans bornes fondée sur la voiture individuelle !

Pour une large part, les coûts de ces transformations seront aisément compensés par la réduction correspondante des dépenses d’énergie. Or, ces "gisements" restent largement inexploités. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, estime le rapport de l’AIE, seuls 20 % des économies d’énergie qu’il serait économiquement rentable de réaliser au niveau mondial le seront effectivement à l’horizon 2035.

Un nouvel obstacle va se dresser sur la route des économies d’énergie : l’abondance des réserves de gaz et de pétrole de schiste aux Etats-Unis. Selon le rapport de l’AIE, la production pétrolière américaine dépassera celle de l’Arabie Saoudite en 2020. Non seulement l’énergie (carbonée) très bon marché dont jouit déjà le plus grand pollueur du monde ne va pas l’inciter à contrôler sérieusement sa demande, mais elle va accroître le différentiel de compétitivité avec la Vieille Europe. Qui n’en aura que plus de mal à investir pour réduire aussi bien ses émissions de CO2 que sa facture énergétique. Après la Chine, les débats européens sur une taxe carbone aux frontières désigneront-ils également les Etats-Unis comme responsables ?

  • 1. "Too Late for 2 degrees ? Low Carbon Economy Index", novembre 2012, accessible sur www.pwc.co.uk
  • 2. "Contribution de l’Ademe à l’élaboration de visions énergétiques 2030-2050", novembre 2012, accessible sur www2.ademe.fr

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