Plaidoyer (impossible) pour les socialistes

par Bernard Maris Albin Michel, 2012, 228 p., 18 euros.

Ecrit il y a plusieurs mois, voici un livre qui... tombe à point. Bernard Maris s’y désole du fait que le socialisme, qu’il considère comme sa famille politique, se soit laissé détruire par l’obsession de l’économie. Le professeur y défend sa thèse avec érudition en mobilisant les grands auteurs. Le chroniqueur radio frappe les esprits avec son sens de la formule.

D’abord, le constat. "Désormais les socialistes sont des gestionnaires. Pourquoi pas ? Comptable est un métier comme un autre"... Le problème, c’est que "l’économie, omniprégnante, a balayé le rêve socialiste", qu’un Lionel Jospin au bilan économique plus qu’honorable a perdu les élections et que, désormais, "les socialistes n’en sont pas à imaginer l’au-delà du capitalisme. Ils en sont les gérants."

Question de définition

Pour proposer un procès en socialisme encore faut-il savoir de quoi l’on parle. Etre socialiste, c’est être près des pauvres ? Insuffisant : les chrétiens aussi se veulent près des pauvres et même des gens de droite. Etre socialiste, c’est être anticommuniste ? ça l’a été. Etre socialiste, pour Bernard Maris, c’est surtout ne pas accepter les valeurs du monde capitaliste : faire croire que l’enrichissement matériel est possible pour tous, tout le temps, dans un "désir morbide" d’argent, disait John Maynard Keynes, avec pour seul rêve de finir l’homme le plus riche du cimetière. Les hommes sublimeraient ainsi leur violence dans une course sans fin à l’argent. Sauf que dès que la crise pointe, la rivalité revient en force.

L’existence d’un Etat-providence pour redistribuer en période de trouble ne suffit pas non plus à définir le socialisme. Le système fiscal peut être antiredestributif et la société afficher une part de féodalisme : les classes préparatoires, largement réservées aux enfants de l’élite, sont gratuites, permettant sa reproduction "comme le faisait le bon vieux système du lignage". Le progrès ne suffit pas non plus à se reconnaître socialiste : "Quand on a passé quelques heures sur le périphérique, on a plus vite fait le tour du progrès que de Paris !"

Priorités

Une fois défini ce que n’est pas le socialisme, quel est-il, quelles sont ses priorités ? C’est proposer, après Charles Fourier, des solutions à la place du travail dans la société, en mêlant le goût de l’organisation, celui pour l’assemblage des plaisirs des sens et de l’âme et "la papillonne", notre tentation de vouloir changer radicalement de métier au cours de notre vie. C’est, après Pierre-Joseph Proudhon, donner sa place au modèle associatif. C’est, après Karl Marx, promouvoir la fraternité. C’est, après Léon Bourgeois, reconnaître que chaque homme a une dette sociale envers la collectivité qui l’a précédé mais également, avec Jean Jaurès, que l’homme n’est pas que débiteur mais aussi créancier, en tant que participant à la société humaine.

Tout cela ne dit rien sur la façon de faire fonctionner l’économie, mais Bernard Maris s’en moque : il ne veut pas la maîtriser, la mettre au service de ses idéaux, il veut en sortir. Son programme, si l’on ose dire, c’est, paradoxalement, des conseils de vie pour chaque individu ramené à lui-même : faire preuve de décence morale, mépriser l’argent, assumer la mort et chercher à rendre l’homme plus gai plutôt que simplement plus vieux. Quel rapport avec l’équilibre budgétaire et la réindustrialisation de la France ? Aucun. Tel Alceste, Maris s’en va, "la vie est ailleurs".

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